Israel Shamir

The Fighting Optimist

Coup de tonnerre dans un ciel d’été

shamireaders@yahoogroups.com

traduit de l’anglais par Marcel Charbonnier

 

Le coup de tonnerre dans un ciel serein que fut le véto russo-chinois sur la question du Zimbabwe a mis fin à un interminable suspense : le transfert du pouvoir, en Russie, est achevé ; l’illusion dont se berçait l’Occident, de pouvoir n’en faire qu’à sa tête, c’est terminé.

 

En Russie, depuis l’élection du président Medvedev et le passage de Vladimir Poutine au poste moins prestigieux de Premier ministre (et même, quelque temps avant cela), la politique étrangère russe était une énigme. Prévalait l’opinion très largement partagée selon laquelle M. Medvedev adopterait une politique plus conciliante vis-à-vis des Etats-Unis et de l’Occident, et même qu’il finirait par renoncer aux positions prises par son puissant prédécesseur. La Russie étant le principale obstacle au rêve le plus fou de Bush – conquérir l’Iran –, il ne s’agissait nullement, en l’occurrence, d’une question théorique, et beaucoup d’observateurs, dans le monde entier (dont le scripteur de ces lignes), observaient les initiatives de la Russie avec une extrême appréhension.

 

Les derniers développements les ont tout-à-fait rassurés (ou, pour certains, désillusionnés…) La Russie de Medvedev & Poutine est encore plus indépendante et cohérente que la Russie telle que nous la connaissions l’année dernière ! Le transfert du pouvoir était resté suspendu, tel un nuage noir, dans les cieux russes, durant très longtemps, et ce n’est que maintenant, avec le coup de tonnerre en plein mois de juillet qu’a représenté le véto russo-chinois sur la question du Zimbabwe, que l’on sort de l’incertitude. Cela fut précédé par un petit avertissement : la Russie exigea que l’on démantelât le Tribunal pour la Yougoslavie, cet ultime vestige de la guerre menée par l’Otan contre ce malheureux ci-devant indépendant des Balkans.

 

C’était là une exigence éminemment symbolique. La Yougoslavie fut, en effet, l’arène d’un terrible crime, mais ce crime, ça n’était pas un « génocide » inventé par l’Otan et bidouillé avec Photoshop. Les nombreuses années de fonctionnement du Tribunal en question n’ont produit strictement aucune preuve, les « fosses communes » et les « millions de victimes de l’Holocauste bosniaque » s’avérant des vues de l’esprit. Non : le [véritable] crime, ce fut l’intervention de l’Otan, l’embargo et les bombardements qui aboutirent, en fin de compte, à la balkanisation des Balkans, et à des souffrances infinies pour tous les habitants de cette région du monde. Le crime avait été rendu possible par l’absence de la Russie de l’arène internationale. Après 1991, brisées, appauvries, mentalement épuisées et spirituellement colonisées, les républiques croupions nées de l’éclatement de l’URSS devinrent des objets, et non plus des sujets, dans les relations internationales.

 

Avec ce trou noir géant, à la place de l’URSS, l’Occident pouvait agir à sa guise, pour la première fois depuis 1920, et c’est ce qu’il fit, en renouant avec ses politiques colonialo-impérialistes du XIXème siècle. Le viol brutal de la Yougoslavie et la première guerre bushienne contre l’Irak furent les deux paroxysmes des années 1990.

 

Mais, une fois encore, le peuple russe a prouvé sa résilience, comme il l’avait fait après l’invasion allemande, en 1941. Dessaoulée de ses sentiments initiaux, idiotement pro-américains, par les bombardements sur Belgrade, la Russie a recouvré la place qui lui revient légitimement dans le monde. Elle n’a pas approuvé l’agression anglo-américaine contre l’Irak, contre l’Afghanistan, et (maintenant) contre l’Iran. Elle fournit des armes à Chavez. Les dirigeants russes rencontrent très régulièrement le Hamas, le parti palestinien le plus démonisé – bien que démocratiquement élu – qui soit. Grâce à ses relations d’amitié avec la Chine, la Russie pourrait bien remodeler entièrement les relations politiques mondiales…

 

Mais il est une région du monde, où les calamiteuses années 1990 continuaient à rôder : l’Afrique. Le Continent noir est dans une situation terrible, et la résolution proposée par les Etats-Unis au sujet du Zimbabwe, si par malheur elle avait été adoptée, aurait rendu cette situation encore bien pire, en réitérant le fiasco somalien.

 

En Somalie, c’est le désastre : l’invasion éthiopienne sponsorisée par les Etats-Unis a virtuellement entièrement détruit l’infrastructure économique. Les Somaliens sont affamés, et un flot de réfugiés s’écoule sans fin, de l’Afrique du Sud à la Suède. Les Ethiopiens ont envahi le pays alors que les Somaliens se remettaient à peine de l’intervention américaine de la veille, sous drapeau de l’Onu, et mettaient en place un pouvoir relativement stable de corps constitués autonomes locaux, appelés les Tribunaux Islamiques. Cette invasion éthiopienne – et le désastre qui s’en ensuivit – ne se serait pas produite, sans la résolution du Conseil de Sécurité.

 

Salim Lone, éditorialiste du quotidien kényan Daily Nation, et ex-porte-parole de la mission de l’Onu en Irak, a écrit :

 

« Les Etats-Unis ont imposé une résolution effroyable, en décembre 2007, affirmant que la situation en Somalie représentait une menace « pour la paix et la sécurité internationales », et ils ont quasiment donné le feu vert à l’Ethiopie, pour qu’elle envahisse ce pays. Cette résolution n’était pas très différente, dans sa rédaction et dans son intention, de celle que l’administration Bush vient d’échouer à imposer au bulldozer au Conseil de Sécurité, au sujet du Zimbabwe. Malheureusement, pour la Somalie, ni la Russie, ni la Chine, n’étaient intervenues, à l’époque, ce qui avait abouti à une résolution outrageusement fallacieuse, ouvrant le pays à une invasion soutenue par les Etats-Unis, entraînant des pertes inévitables, dont le déplacement de millions de civils. »

 

Cette fois-ci, la Russie et la Chine se sont unies, imposant leur véto à cette résolution, et soutenant l’opinion de la quasi-totalité des pays africains et asiatiques, dont le voisin-même du Zimbabwe, l’Afrique du Sud. Pas la peine d’être un expert ès-questions africaines pour bénir ce véto. Nous en avions plus qu’assez des interventions néocoloniales, depuis l’ère Gorbatchev : Irak, Panama, Nicaragua, Yougoslavie, Somalie, Erythrée, Congo, et que sais-je encore ?…

 

Que ce raz-de-marée ait été brisé, au Zimbabwe, c’est une excellente nouvelle. Le principe de la souveraineté a été défendu. Si, aujourd’hui, les maîtres coloniaux étaient autorisés à vadrouiller au Zimbabwe, demain, l’Iran suivrait, et tôt ou tard, Moscou et Pékin seraient assiégés. Désormais, nous pouvons espérer que la Russie et la Chine vont utiliser leur droit de veto plus souvent, et qu’elles stopperont toute tentative colonialiste, qu’il s’agisse d’étrangler l’Irak ou d’écraser la Birmanie…

 

 

Pendant trop longtemps, la Russie et la Chine ont hésité à utiliser leur droit de veto ; ce droit a été utilisé principalement par les Etats-Unis, afin de servir les intérêts de son porte-avion proche-orientale, j’ai nommé Israël. Désormais, les British et les Amerloques enragent de voir la Russie et la Chine utiliser ce droit. Laissons-les crever de rage, découvrir que le monde a changé, encore une fois, et se dessaouler de l’illusion que l’opportunité dont ils bénéficiaient depuis 1990 serait éternelle, dont ils se berçaient.

 

Qu’est-ce qu’il se passait, au juste, au Zimbabwe ? En résumé : une « révolution colorée » foireuse, comme celle que les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont instiguées en Ukraine et en Géorgie, et qu’ils ont échoué à déclencher tout-à-fait en Birmanie et en Mongolie. Des forces pro-occidentales tentèrent d’évincer le président légitime, Robert Mugabe. Mugabe a remporté les élections, comme Milosevic en Yougoslavie, comme Yanukovich en Ukraine, ou comme Haniéh en Palestine, mais l’Occident ne reconnaît jamais des élections, dès lors que le résultat n’en est pas à son goût.

 

Stephen Gowans a écrit : « Au cœur du conflit, il y a un clash entre deux droits : le droit des colons blancs à jouir des terres volées, contre le droit des propriétaires légitimes à recouvrer leurs terres. » Ce n’est pas tout-à-fait exact. Il ne s’agit pas d’une lutte Blancs contre Noirs. Les colons blancs peuvent être un élément utile et important de l’économie nationale zimbabwéenne, mais ils ont fait un mauvais choix.

 

Notre ami sud-africain Joh Domingo a expliqué la situation : « Il y avait une opportunité, pour des fermiers blancs indépendants, d’utiliser leur expérience et de se fondre dans le tissu de la société africaine, mais ils ont choisi de se compromettre avec le gros agrobusiness, ainsi qu’avec l’exploitation des ressources minières du Zimbabwe ».

 

Reflétant les campagnes menées en Biélorussie, en Ukraine, au Kirghizstan et au Venezuela, les articles relatant des fraudes électorales remplissent nos médias. « L’opposition est affamée, elle est agressée, et les élections sont bidonnées », dit le refrain. En même temps, des groupes progressistes déplorent leur triste sort, et se demande pourquoi ils sont incapables de promouvoir des saints, en lieu et place de sauvages ? Ils feraient mieux de se demander pourquoi tous ceux qui sont en délicatesse avec les superpuissances Globales sont toujours des ‘sauvages’ : Mugabe, Saddam, Milosevic, Aristide, Castro… (je vous laisse compléter la liste) ».

 

Les Blancs du Zimbabwé feraient bien de ne pas s’allier à l’Occident impérialiste. S’ils s’en abstiennent, leurs problèmes, ainsi que bien d’autres problèmes locaux, trouveront assurément une solution.

 

°°°°°°°°°

 

July Thunder

By Israel Shamir

14.07.2008

July thunder of Russo-Chinese veto over Zimbabwe ended the long suspense. Power transfer in Russia has been completed; the lull of the West’s total freedom of hands is over.

 

Since the recent Russian election of President Medvedev and Vladimir Putin’s shift to the less prominent post of Prime Minister, and even for a while before that, the Russian foreign policy was a question of guessing. There was a widely-held view that Mr Medvedev will take a more submissive course towards the US and the West, and eventually will surrender the positions taken by his mighty predecessor. Provided that Russia is the main hindrance of Bush’s wet dream to take over Iran, this was not a theoretical question, and many observers around the world (including this one) looked with great apprehension at the Russian moves.

 

The recent developments disabused them. Russia of Medvedev-Putin is even more independent and coherent than the Russia we knew of last year. Transfer of power hanged over like a dark cloud in Russian skies for a very long time, and only now, with July thunder of Russian-Chinese veto over Zimbabwe, it is over. It was preceded by a small warning: Russia demanded to dismantle the Yugoslavia Tribunal, this last vestige of NATO war against the once-independent Balkan state.

 

This was a richly symbolic demand. Yugoslavia was indeed the arena of a terrible crime, but the crime was not a NATO- invented and Photoshop-produced “genocide”. So many years of the Tribunal operation produced zero proofs, while “mass graves” and “million victims of Bosnian Holocaust” turned out to be a figment of imagination. The crime was the NATO intervention, blockade and bombardment which eventually led to Balkanization of Balkans, and to endless suffering for all its residents. The crime was made possible by Russia’s disappearance from the world arena. After 1991, broken, impoverished, mentally exhausted and spiritually colonised successor states of the USSR became an object rather than subject of international relations.

With this great black hole in stead of the USSR, the West could act freely for the first time since 1920, and it did so by reverting to the colonialist-imperialist policies of Nineteenth Century. Brutal rape of Yugoslavia and the first Bush war on Iraq were the peaks of 1990s.

 

But the Russian people proved their resilience once again, as they did after the German invasion of 1941. Sobered out of its silly pro-American sentiments by Belgrade bombing, Russia regained its legitimate place in the world. She did not acquiesce in the Anglo-American attack on Iraq, Afghanistan and (now) Iran. She supplies Chavez with weapons. Russian leaders routinely meet with Hamas, the much demonised though democratically elected Palestinian movement. In friendship with China, Russia may yet reshape the world politics.

 

There is one area, where the 1990s still lingered, and this is Africa. The Black continent is in a terrible shape, and the US-proposed resolution on Zimbabwe would make it even worse, by repeating Somalia.

 

There is a disaster in Somalia: the US-sponsored Ethiopian invasion has destroyed virtually all the life-sustaining economic systems, Somalis are being starved and a flood of refugees runs freely from South Africa to Sweden. The Ethiopians invaded when Somali just recovered from the previous American intervention under the UN flag, and formed rather stable rule of local autonomous bodies called Islamic Courts. This invasion – and consequent disaster – would not happen without the Security Council resolution.

 

Salim Lone, a columnist for the Daily Nation in Kenya and a former spokesperson for the UN mission in Iraq, wrote:

“The US pushed through an appalling resolution in December [2007] saying the situation in Somalia was a threat to “international peace and security” and basically gave the green light to Ethiopia to invade. Not much different in text and intent to the current failed attempt by the Bush administration to bulldoze a Security Council resolution on Zimbabwe. Unfortunately for Somalia, neither Russia nor China intervened then, resulting in a blatantly false resolution setting up the country for an American-backed invasion leading to inevitable losses, including displacement of millions.”

 

This time, Russia and China united in vetoing this resolution, supporting the view of virtually all African and Asian countries, including Zimbabwe’s own neighbour, South Africa. One does not have to be an expert on African affairs to bless this veto. We had enough of neo-colonial interventions since the Gorbachev’s days: Iraq, Panama, Nicaragua, Yugoslavia, Somali, Eritrea, Congo and what not.

 

This is good that in Zimbabwe, the wave was broken. The principle of sovereignty was upheld. If today the colonial masters will be allowed to ride into Zimbabwe, tomorrow, Iran will follow, and sooner or later, Moscow and Beijing will be besieged. Now we can hope that Russia and China will use their right more often and will block every colonialist attempt to strangulate Iran or squeeze Burma.

 

For too long time, Russia and China hesitated to use their right of veto; this right was used mainly by the US in the interests of its Middle-Eastern proxy, Israel. Now, the Brits and the Americans are enraged that this right is used by Russia and China. Let them rage, and discover that the world has changed once again, and the lull of opportunity they had since 1990 is over.

 

What was going in Zimbabwe? In short, a failed “colour revolution”, like those the US and the UK instigated in Ukraine and Georgia and failed to achieve in Burma and Mongolia. Pro-Western forces tried to remove the legitimate President Robert Mugabe. Mugabe won elections like Milosevic in Yugoslavia, or Yanukovich in Ukraine or Hanieh in Palestine, but the West never accepts the elections if unsatisfied with the results.

 

Stephen Gowanswrote: “At the core of the conflict is a clash of right against right: the right of white settlers to enjoy the stolen land against the right of the original owners to reclaim their land.” This is not exactly correct. This is not White against Black struggle. The white settlers could be a useful and an important element of national economics, but they have made a wrong choice.

 

Our friend, South African Joh Domingo explained the situation: “There was an opportunity for individual White farmers to utilize their experience and embed themselves into the fabric of African society, but they chose the path of aligning themselves with big agribusiness, and with exploitation of the mineral wealth of Zimbabwe.”

 

Mirroring the campaigns in Belarus, Ukraine, Kyrgyzstan and Venezuela, reports of electoral bias fills the media. – “The opposition is being starved, they are assaulted, and the elections are rigged”: So goes the refrain. At the same time, progressive groups bemoan their fate, and ask why they cannot champion saints instead of savages. Instead they should ask why all those at odds with the Global superpowers are always savages: Mugabe, Saddam, Milosevic, Aristide, Castro… the list goes on and on.”

 

The  Zimbabwe whites should not ally themselves with the imperialist West, and then certainly their problems, and other local problems will be solved.

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