traduit de langlais par Marcel Charbonnier
Des centaines de milliers de documents émanant du Département dEtat des Etats-Unis sous la forme de dépêches en provenance de centaines dambassades et de consulats du monde entier nous donnent une image saisissante des intérêts et des activités américains ; cest sans précédent. Plus étonnant encore : lorsquon parcourt ces câbles qui font la chronique des multiples facettes changeantes de la diplomatie US, une constante émerge : lobsession US pour Cuba.
Absolument partout, de Douchanbé à Paris en passant par les montagnes du Tadjikistan, de Kiev, en Ukraine jusquà Sidney, en Australie, les diplomates américains sont tout à leur affaire : ils sont là à épier une petite île au milieu de la Mer des Caraïbes avec une malice obsessionnelle. Comme un coureur de jupons professionnel qui se serait fait envoyer paître par une beauté dune petite bourgade de province, lOncle Sam ne semble pas en mesure doublier laffront. Les diplomates suivent les moindres activités de Cuba, ils prennent note de la moindre déclaration cubaine et ils font état du moindre migrant cubain entraperçu avec lenthousiasme de lornithologue épiant loiseau rare. Il semble que les Etats-Unis nont rien perdu de leur passion héritée de la guerre froide pour Cuba.
Ainsi, dans le lointain Ouzbékistan, lambassadeur américain fait la promotion de la plaidoirie américaine contre Cuba, il en fait dûment le rapport à Mme Clinton :
UNCLAS TASHKENT 000524 SIPDIS DEPT FOR WHA/CCA E.O. 12958: N/A TAGS: PHUM, KDEM, PREL, UZ OBJET : OUZBEKISTAN/JOURNEE DE SOLIDARITE AVEC LE PEUPLE CUBAIN REF: SECSTATE 46997 (U)en marge dune rencontre, le 5 mai, avec le ministre des Affaires étrangères ouzbek Norov, lAmbassadeur a informé le gouvernement ouzbek de plans US visant à marquer notre solidarité avec le peuple cubain, le 21 mai. De plus, lAmbassade a publié un encart, dans Dostlik (Amitié, ndt), la newsletter de lAmbassade, afin de marquer cette date, ajoutant une brève déclaration à ce sujet sur son site Internet. NORLAND.
Dans quelques jours, les diplomates US « célèbreront une journée de solidarité avec le peuple cubain ». « Ambassade Tachkent continue promouvoir et préparer en vue solidarité avec peuple cubain 21 mai. Avons soulevé ces points responsables officiels ouzbeks niveau approprié et avons placé informations à cette fin sur notre site Internet et dans nos publications trimestrielles en anglais, ainsi que dans la publication en langue ouzbèke Dostlik.
Eh bien, voilà un truc qui me ramène aux années Soixante-dix ! Du temps de Brejnev, nous autres, les Soviétiques, nous étions régulièrement sommés dexprimer notre solidarité avec « le peuple cubain », avec « le peuple vietnamien » ou avec « le peuple coréen », etc. et cela a fini par nous raser aux larmes. LUnion soviétique a été abandonnée à son triste sort largement en raison de cet ennui et voici que les Ouzbeks (et tous les autres) se voient offrir le même refrain lassant, sauf que cette fois-ci, « le peuple cubain » nest rien dautre que le code secret désignant les agents de la CIA à Miami.
LOuzbékistan ayant établi des relations diplomatiques avec Cuba, lambassadeur américain avait confié ses sentiments froissés à un message confidentiel. Commentaire de lambassadeur : « LOuzbékistan na que des relations diplomatiques minimales avec Cuba, mais nous considérons quil était important que nous fassions cette démarche afin que nos interlocuteurs ouzbeks vissent bien que le gouvernement US soulève les questions de droit de lhomme dans le monde entier, et pas seulement avec le GOU » (= le gouvernement ouzbek, ndt).
Une délégation cubaine sétant rendue en visite en Ouzbékistan, à lambassade US, on épia, comme des amants rejetés. Les Ouzbeks leur ayant dit de soccuper de leurs oignons, lambassadeur tricard télégraphia à la maison : « Le refus opposé par le ministère ouzbek des Affaires étrangères de discuter de cet événement avec lAmbassade [US] est particulièrement risible : il ny a quune poignée demployés qui travaillent au Bureau de lAmérique et ces mêmes officiels, qui étaient soi-disant « dans lincapacité » de nous donner une information quelconque, avaient vraisemblablement participé, à tel ou tel degré,, à lorganisation de la visite de la délégation cubaine ». Où lon voit quil y a des gens qui sont infoutus de comprendre que « non », cela peut aussi, parfois, signifier « non » !
Congelées depuis belle lurette, lidéologie et la langue de la Guerre froide sont toujours de rigueur au Département dEtat, comme on peut le constater dans ce câble expédié depuis lUkraine :
La chef de la Commission des Droits de lHomme du parlement ukrainien (connu sous le titre dOmbudsman des Droits de lhomme) Nina Karpachova était vraiment en forme durant le congrès du parti des Régions, au mois de décembre. Au cours dun discours très enlevé, elle a déclaré que le pire moment quelle eût connu sur le plan professionnel avait été celui, durant la session 2005 de la Commission des Droits de lHomme de lOnu à Genève, où le gouvernement orange de lUkraine lui avait donné linstruction de voter « contre Cuba, un petit pays insulaire, qui nous avait [pourtant] aidés ». Pressée, le 16 janvier, de sexpliquer sur cette remarque lors dune rencontre avec lAmbassadeur, au cours de laquelle celui-ci a remis à Mme Karpachova des informations concernant le dossier lamentable des droits de lhomme à Cuba, celle-ci sest lancée dans une défense interminable du régime de Castro, rendant un hommage appuyé au dictateur cubain pour avoir, entre autres choses, éradiqué lillettrisme à Cuba et mis sur pied des camps de vacances pour des enfants ukrainiens affectés par la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, en 1989. Mme Karpachov est même allée jusquà accuser lembargo des Etats-Unis dêtre à lorigine de la situation économique très difficile de Cuba, après quoi elle a plaidé en faveur de sa levée.
Boudeur, lambassadeur ne savouait pas vaincu : il « exprima sa surprise quune représentante dun parti qui se targue de croire à la liberté des marchés puisse ignorer que cest la politique socialiste du régime Castro qui est la cause première des problèmes économiques que connaît Cuba ».
Pincé en train de recruter des espions en Bolivie, lambassade US dans ce pays câble à Washington : « Létudiant boursier Fulbright Alex van Schaick a signalé au ministère bolivien des Affaires étrangères, le 7 février, que lOfficier Adjoint de Sécurité Régionale du Poste (diplomatique US) lui avait demandé de donner à lAmbassade des infos sur ses contacts [personnels] avec des ressortissants vénézuéliens et cubains. En fin de compte, les Américains ont dû présenter leurs excuses et le diplomate US en cause a été prié de faire son baluchon.
Les Etats-Unis sentêtent à exercer des pressions sur lOnu pour le contraindre à prolonger lembargo US contre Cuba, vieux de plusieurs décennies, mais tous ces efforts sont vains. Tous les télégrammes diplomatiques relatifs à lOnu comportent ces mots particulièrement parlants : « En ce qui concerne lembargo contre Cuba, nous restons isolés ». La liste des échecs américains à faire adopter des résolutions contre Cuba par lOnu est encore plus lamentable que leurs tentatives moyen-orientales. Cuba est la seule question sur laquelle les Américains sont totalement impuissants ; ils se heurtent immanquablement à des résolutions contrant leur politique.
A Bakou, capitale de lAzerbaïdjan, lambassadeur US a tenté de draguer le ministre azéri des Affaires étrangères afin de linciter à soutenir lembargo américain [contre Cuba], mais il sest attiré cette réplique sans appel : « En ce qui concerne une résolution à propos de lembargo contre Cuba, Mammadyarov a dit que lAzerbaïdjan a toujours « fait partie des 184 pays [opposé à cet embargo, ndt.] » Mammadyarov a ajouté que plus de mille Cubains ont fait leurs études en Azerbaïdjan durant la période soviétique, principalement à lAcadémie du pétrole et à la faculté de droit international et quune importante diaspora azérie vit à Cuba. Il a également dit que lAzerbaïdjan ne peut avoir beaucoup dambassades en Amérique du Sud, parce quil y a très peu dhispanisants dans son pays et que, par conséquent, Cuba était un pays important pour lAzerbaïdjan, ainsi que le Mexique et le Brésil. Répondant à la question de lambassadeur senquérant de savoir quel intérêt pouvait bien avoir Cuba douvrir une ambassade à Bakou, M. Mammadyarov a répondu que ce serait la première ambassade cubaine dans la région du Caucase, ajoutant que Cuba disposait de plus de 145 ambassades à létranger, essentiellement de tout petits postes diplomatiques, avec seulement de un à deux diplomates. »
Par contraste, lArménie, après moult prévarication, a accepté de soutenir les Etats-Unis, et lambassadeur à Erevan écrivit que cétait là, de sa part, « un geste important ».
Les échanges diplomatiques avec Cuba sont confrontés de manière routinière à des tentatives américaines de sabotage. Ainsi, lambassadeur US à Vilnius rapportait, non sans fierté :« Lan dernier, nous avons réussi à contrer leffort déployés par daucuns, en Lituanie, de reconnaître Cuba. »
En dépit de ces efforts de sabotage incessants de la part des Américains, les câbles diplomatiques montrent que le vent du changement est en train de tourner à lavantage de Cuba. Ainsi, un câble secret expédié de Brasilia détaille une rencontre de lambassadeur US avec un conseiller du Président (Lula) : « Lambassadeur a demandé ce que Garcia pensait des conséquences dune levée de ses sanctions (contre Cuba) par lUnion européenne. Gardia a répondu quil ne voyait pas Raul Castro faire une quelconque concession sous la pression étrangère et que linitiative de lUnion européenne était un signe que la perception que les Européens ont de Cuba est en train de changer. Il a noté quau Brésil, aussi bien les patrons dentreprises que la presse (qui étaient très critiques pour la politique brésilienne vis-à-vis de Cuba) ont changé de ton. Les entreprises cubaines sont désormais intéressées par les investissements à Cuba et lon relève moins de critiques à lencontre de Cuba dans la presse brésilienne ».
Nous sommes en train de travailler lEspagne au corps
Le ministre espagnol des Affaires étrangères Dezcallar ayant été en visite à Cuba, il a immédiatement été interrogé par lambassadeur US à Madrid. Les câbles montrent que les Espagnols ont tenté de se concilier les Américains en prétendant que ce voyage à Cuba navait pas immédiatement apporté grand-chose à lEspagne, mais quà travers son nouvel engagement, lEspagne serait en mesure dexercer plus dinfluence et de promouvoir à Cuba les « valeurs occidentales », tandis que la transition cubaine irait de lavant.
Dezcallar a exhorté lAméricain à prendre du recul, à regarder le long terme et prôné une coordination permanente et discrète entre les Etats-Unis et lEspagne. Mais lambassadeur nen est pas apaisé pour autant. Dans les câbles, il « soulignait la profonde déconvenue ressentie par Washington après ce voyage, qui fut non seulement une surprise, mais quelque chose dassez spectaculaire, le ministre des Affaires étrangères de lEspagne, une puissance mondiale, sétant rendu à Cuba et en étant revenu les mains vides. Il notait que Moratinos navait pas rencontré de dissidents et quil navait même pas tenté de corriger les propos tenus par le ministre cubain des Affaires étrangères, qui avait qualifié les dissidents cubains de « mercenaires » stipendié par les Etats-Unis ». En voilà autant pour lindépendance de lEspagne ; son ministre des Affaires étrangères se fait rabrouer comme un écolier !
Un câble envoyé de Pologne montre que la politique US disolement de Cuba sérode rapidement : Szlajfer a dit quil y a un sérieux problème en ce qui concerne la politique européenne vis-à-vis de Cuba. Les Espagnols tentaient de réviser la politique de lUnion européenne vis-à-vis de Cuba depuis 2004 au motif que la politique dure de lUE navait eu aucun résultat et que, par conséquent, il devrait y avoir un changement dans les relations de celle-ci tant vis-à-vis du gouvernement cubain que de lopposition cubaine.
Le gouvernement polonais continue, officiellement, à sopposer à toute prise de contact avec le « régime castriste » et à mettre le petit doigt sur la couture du pantalon devant le diktat US, mais dans ses câbles, Szlajfer notait que les temps étaient en train de changer : non seulement lEspagne, mais aussi la France et la Grande-Bretagne sont susceptibles de jouer un jeu différent. Szlajfer ajoutait que le maintien de sa ligne dure à lencontre de Cuba avait entraîné la diminution de linfluence de la Pologne dans ces pays et finissaient par affecter les opportunités commerciales de la Pologne dans la région. Concluant son câble sur une note positive, lAmbassadeur Fried, du Département dEtat, sefforçait de remonter le moral des Polonais en leur assurant que les Américains « étaient en train de travailler lEspagne au corps ».
La République tchèque continue à se plier aux ordres US. Comme dautres avant-postes US en Europe orientale, ils font tout ce quils peuvent pour isoler Cuba. Lambassadeur US rapporte ainsi : Les Tchèques continuent à rechercher des moyens de rassembler des soutiens, au sein de lUnion européenne, à une position commune sur Cuba « qui ait des dents ». Des ONG tchèques mirent sur pied une conférence anti-cubaine, ce qui leur valut une tape amicale sur la tête de la part des câbles diplomatiques du Département dEtat des Etats-Unis.
Autre pays-client des Etats-Unis : lEstonie. Les dirigeants estoniens sont toujours prêts à faire plaisir à leurs maîtres américains. Un câble confidentiel expédié de Tallinn se fait le relai dune condamnation de lEstonie contre lEspagne, coupable dêtre trop coulante envers Cuba : Kahn [un diplomate estonien] a qualifié la position de lEspagne, qui assure la nouvelle présidence tournante de lUnion européenne, dà la fois « étrange et difficile à comprendre ». LEspagne est en train dessayer dencourager les pays membres de lUE à améliorer leurs relations avec Cuba aux dépens de leurs liens avec lopposition cubaine. Par contraste, Kahn soulignait que le gouvernement estonien est en faveur de relations avec le gouvernement cubain, mais uniquement en tant que moyen dinciter Cuba à aller vers davantage de démocratie. LEstonie ne saurait accepter une quelconque politique oublieuse de lopposition cubaine. Kahn énonçait ensuite trois éléments fondamentaux de la politique cubaine de lEstonie : toutes les rencontres avec le gouvernement cubain doivent être contrebalancées par des réunions avec lopposition démocratique ; Cuba doit libérer ses prisonniers politiques et Cuba doit être encouragé à entreprendre des réformes susceptibles dapporter la démocratie, la liberté dexpression et la liberté de réunion.
Kahn notait, toutefois, que le GOE (gouvernement estonien) restant jusquici très distant vis-à-vis de Cuba et recevant le plus gros de ses informations sur Cuba de la presse, lEstonie ne peut être un supporter du changement démocratique à Cuba aussi ferme et actif que, par exemple, la République tchèque.
Dans un autre câble, lAmbassadeur dEstonie se voit demander, à propos de Cuba :
5) Le pays hôte (lEstonie, ndt) propose-t-il ou assure-t-il une aide, humanitaire ou autre, au peuple cubain au lendemain des dégâts majeurs causés par les cyclones Gustav (le 30 août) et Ike (le 8 septembre ? Non.
6) Quelle est la nature des investissements (et quels sont les noms des investisseurs, sils sont connus) que des entreprises du pays hôte (lEstonie) effectuent à Cuba ? Quelles sont les entreprises estoniennes qui ont participé à la Foire Commerciale internationale de La Havane (le 3 novembre) ?
– Il ny a aucun investissement étranger direct, ni dans un sens, ni dans lautre, entre lEstonie et Cuba. Aucune entreprise estonienne na participé à la Foire Commerciale internationale de La Havane.
7) Y a-t-il des accords commerciaux bilatéraux entre pays hôte (Estonie) et Cuba ?
– Non, il ny a aucun accord commercial bilatéral entre les deux pays.
8) Y a-t-il des programmes déchanges entre pays hôte et Cuba, incluant, mais ne se limitant pas à : des bourses détudes pour des ressortissants du pays hôte poursuivant leurs études à Cuba ; des voyages à finalité médicale payés par Cuba pour des ressortissants du pays hôte ; des médecins cubains exerçant dans le pays hôte ?
– Il ny a aucun programme officiel déchanges entre lEstonie et Cuba et entre Cuba et lEstonie.
Les Estoniens sont empressés à soutenir les intérêts US et ils seront toujours du côté des US, même contre leurs collègues des pays membres de lUnion européenne. Dans un câble, le représentant des Etats-Unis à Tallinn, Goldstein, exprimait sa préoccupation au sujet de la visite du ministre espagnol des Affaires étrangères Moratinos à La Havane, au mois davril ». Il reçut une réponse extrêmement satisfaisante : « LEstonie comprend totalement et partage la préoccupation américaine, et elle a soutenu sans état dâme la République tchèque, la Pologne et dautres pays membres de lUnion européenne partageant ses vues lors des différents forums européens. Mme Juhasoo-Lawrence ajoutait que lEstonie comprend ce que sont des dictateurs tels que Castro et le mal quils peuvent faire à leur peuple, et il ne voit aucune raison de relâcher la pression sur lui en ce moment. LUnion européenne, poursuivait-elle, est divisée, sur cette question, entre les anciens et les nouveaux Etats membres ».
En revanche, la Biélorussie est bien trop indépendante au goût des Américains. Lambassadeur US à Minsk rapporte, chagriné : « Une délégation cubaine dirigée par le ministre Ricardo Cabrisas est venue en visite en Biélorussie et, durant sa visite, le représentant de Cuba a signé un accord comportant lachat par Cuba de cent autobus produits par lUsine automobile de Minsk (la MAZ), et discuté déventuels achats de matériel agricole et de camions à la Biélorussie ».
Ensuite, les câbles notent : « Dans un message de vux envoyé en juillet 2007 par Alexandre Lukashenko à Fidel Castro à loccasion du « Jour de la Rébellion » de Cuba, le président biélorusse qualifiait Cuba « de principal partenaire de la Biélorussie en Amérique latine ». Ils reconnaissent que « des milliers denfants biélorusses affectés par la catastrophe nucléaire de Tchernobyl (qui sest produite dans le pays voisin, lUkraine, ndt) ont été envoyés à Cuba pour sy reposer et être soignés, depuis 1991 ».
Ces liens sont aussi de nature politique. Un câble expédié depuis Minsk reconnaît que la Biélorussie uvre activement à remettre au goût du jour le mouvement des Non Alignés et à proposer Lukashenko en éventuel successeur du leader cubain Fidel Castro en tant que prochain « Pape » du bloc anti-occidental. Lukashenko est en effet le leader anti-globaliste idéal : il est jeune (51 ans), il est dynamique, audacieux et il dirige une économie en pleine croissance et stable (jusquà présent), au cur de lEurope.
Serait-ce la raison de lhostilité véhémente des Etats-Unis envers la Biélorussie ? Dans un accès de rage verte, les Etats-Unis ont refusé à Lukashenko de faire escale en Islande (pour faire le plein de kérosène) tandis quil rentrait du sommet des Non Alignés, en 2006. Lambassadeur avait câblé à Washington afin de linformer quil avait vérifié si lIslande avait reçu une demande dautorisation datterrissage de la part du président biélorusse Lukashenko, dont on avait appris lintention de faire escale en Islande afin de faire le plein de kérosène sur son trajet de retour du sommet des Non Alignés. Gudjonson avait répondu que lIslande navait pas reçu une telle demande et il avait donné lassurance que toute demande à cet effet recevrait une réponse négative du gouvernement islandais.
Le câble continue, révélant que les Etats-Unis et lUnion européenne ont imposé une interdiction des visas et gelé les avoirs des officiels les plus odieux du gouvernement biélorusse. Quand le USG (gouvernement américain) et le Canada) ont refusé une autorisation datterrissage pour faire le plein de kérosène à une délégation biélorusse rentrant de Cuba en Biélorussie, Lukashenko a annoncé que son pays procéderait à des rétorsions en refusant les autorisations de survoler le territoire biélorusse aux avions transportant des délégations gouvernementales américaine et canadiennes. Plus récemment, le GOB (gouvernement biélorusse) a annoncé quil allait geler les avoirs du président Bush et de la Secrétaire dEtat Condoleezza Rice déposés dans des banques biélorusses. Ces annonces demeurent ambigües, voire comiques » ; cest sans doute ce quelles avaient toujours eu lintention dêtre !
LUkraine ne se plie dores et déjà plus aux exigences américaines. Un câble daté de Kiev dit quen dépit dune démarche américaine, un diplomate ukrainien a dit à lambassadeur que Cuba continue à apporter une aide substantielle aux enfants de Tchernobyl et que lUkraine est hostile à limposition dun embargo commercial à Cuba par les Etats-Unis. Elle soutiendra la déclaration de lUnion européenne sur la résolution de lAssemblée générale de lOnu introduite par Cuba condamnant lembargo économique imposé par les Etats-Unis à Cuba. Dans un autre câble, lambassade US à Kiev indique : Le parlement ukrainien vient dadopter une résolution condamnant lembargo contre Cuba. LUkraine est reconnaissante envers Cuba pour laide médicale que ce pays continue à apporter aux victimes de Tchernobyl.
Cuba est connu dans le monde entier pour son extraordinaire engagement à aider tous les pays qui en ont besoin, sans faire la moindre différence pour des motifs politiques. Après un tremblement de terre survenu au Pérou, lambassade US au Pérou fut contraindre de reconnaître, dans un câble diplomatique : lon indique (ici) que laide cubaine a été bien ciblée et efficace, bien quelle nait pas été coordonnée avec celle des ONG. Cuba a envoyé au minimum deux hôpitaux de campagne, qui ont offert des services de qualité en matière de traumatologie durgence, indiquent les observateurs. Dans un camp de survivants où une équipe américaine de lassociation Medrete avait envoyée afin dassurer des secours, celle-ci a constaté qu une équipe cubaine avait déjà été mise sur pied.
Cuba nest plus seul. Les câbles diplomatiques indiquent aussi que lors dune visite officielle au Pérou, le Président bolivien Evo Morales a critiqué les accords de libre échange entre lAmérique latine et les Etats-Unis, et il en a appelé à poursuivre la lutte contre le colonialisme, limpérialisme et le néolibéralisme. Il a par ailleurs salué en Fidel Castro un « père » et il a salué la présence de lAlliance Bolivarienne pour les Amériques (LBA) dHugo Chavez au Pérou.
Les relations russo-cubaines : davantage de contrats rentables
La Russie na pas encore réussi à réparer les pots cassés avec Cuba, mais indéniablement, elle sefforce de le faire : le Premier ministre Poutine a exhorté la Russie à reconquérir ses positions à Cuba. LAmbassadeur US à Moscou rapporte plusieurs événements à venir entre le GOR (le gouvernement russe) et Cuba, en 2010 :
– la Russie sera lhôte dune réunion préparatoire à la Commission intergouvernementale russo-cubaine sur la Coopération économique, commerciale, scientifique et technique, qui doit se tenir en avril 2010.
Le ministre russe des Affaires étrangères Lavrov participera à la 9ème Exposition des Livres annuelles de La Havane, en tant quinvité étranger dhonneur. M. Lavrov sera à la tête dune délégation incluant les directeurs du ministère russe de la Culture et de lAgence de Presse russe.
Cuba sera lhôte dune réunion de la Commission intergouvernementale russo-cubaine. Le vice-premier ministre Igor Sechin dirigera vraisemblablement la délégation russe. La dernière visite de M. Sechin a Cuba sest déroulée en juillet 2009 ; elle a eu pour résultat la signature de plusieurs accords, dont loctroi dun prêt dun montant de 150 millions de dollars à Cuba pour aider ce pays à acheter des engins agricoles de fabrication russe.
La Russie fournit actuellement de laide humanitaire à Cuba sous la forme de chargements de blé, des projets prévoyant den envoyer à Cuba, cette année, 100 000 tonnes. Par ailleurs, le GOR envisage daugmenter le nombre des bourses universitaires accordées à des étudiants cubains ; cent étudiants cubains ont bénéficié de telles bourses en 2009 pour étudier dans les universités de la Russie.
Dans un câble secret/non-destiné à des étrangers (NOFORN), lambassadeur US à Moscou informe le Département dEtat du fait que la Russie na pas de préférence, elle est prête à travailler aussi bien avec Raul quavec Fidel Castro. En ce qui concerne la tendance générale, les relations cubano-russes sont en train de se renforcer, mais ces relations nont pas changé de manière significative depuis laccession au pouvoir de Raul Castro en 2008.
Ce câble se poursuivait par un rapport dun universitaire russe : la Russie a perçu une différence entre les deux frères Castro quant à la manière dont ils envisagent les relations cubano-russes. Raul a passé plus de temps en Union soviétique puis en Russie que Fidel, et il comprend, de ce fait, mieux la Russie. La Russie pense que Raul est le plus pragmatique des deux frères, daprès Davydov ; et quil a plus fait pour encourager les investissements étrangers à Cuba, à partir dun certain nombre de pays sources, dont la Russie. Le ministère russe des Affaires étrangères a confirmé le fait que la Russie et Cuba recherchent ensemble des opportunités dinvestissements mutuellement bénéfiques à Cuba.
Le Président cubain Raul Castro était en visite à Moscou du 28 janvier au 4 février 2009. Raul Castro et Medvedev ont signé un certain nombre daccords La Russie sest engagée à envoyer deux cargos de blé, respectivement dune capacité de 25 000 et 100 000 tonnes métriques, pour une valeur de 37 millions de dollars américains. Cuba sest engagé à acheter ou à louer en leasing sept avions de ligne fabriqués en Russie. De plus, la société Kamaz, qui est le plus grand fabriquant de camions de Russie, sest dite daccord pour envoyer ses camions à Cuba et pour installer à Cuba une ligne de montage en coopération avec la société cubaine Tradex. Les principaux produits russes exportés vers Cuba sont les avions, les machines outils et les équipements. Les principales exportations cubaines vers la Russie sont le sucre, les produits pharmaceutiques, léquipement médical et les cigares.
Le vice-premier ministre russe Igor Sechin a négocié une série de marchés de coopération économique avec des responsables du gouvernement cubain, à Moscou. Un consortium sous direction Gasprom, créé en 2008 afin de développer lexploitation des champs pétrolifères et gaziers du Venezuela a signé un accord de coopération avec la société Cuba Petroleo pour travailler ensemble à lexploration, à la production et au raffinage. La société russe Norilsk Nickel sest engagée à financer lexploration de réserves de minerai de nickel à Cuba, dans la perspective de les exploiter à lavenir. Le constructeur automobile russe AvtoVAZ a signé un marché au terme duquel elle assurera la maintenance de ses voitures vendues à Cuba. Le rôle joué par Sechin dans laccouchement des relations russo-cubaines reflète vraisemblablement lintérêt personnel qua Poutine pour une réaffirmation de la présence russe dans lhémisphère occidentale.
Certains câbles diplomatiques débattent aussi de la possibilité dune coopération militaire renforcée entre la Russie et Cuba. Le vice-président de la Commission de la Douma pour les Affaires internationales Andrei Klimov a déclaré à lagence de presse RIA-Novosti que « si lAmérique installe des missiles antibalistiques (ABM) à proximité de la frontière russe, la Russie pourrait, elle aussi, déployer son système de missiles dans les pays qui seront prêts à les recevoir ». Leonid Ivashov, président de lAcadémie des Problèmes Géopolitiques, a dit à RIA-Novosti que lOccident était en train de créer une « zone tampon » autour de la Russie et quen réponse, la Russie pourrait étendre sa présence militaire à Cuba, ou dans dautres régions du monde.
Ces câbles diplomatiques [ultrasecrets divulgués par WikiLeaks] montrent que le besoin de soutenir Cuba reste dactualité. Les Américains feraient bien de demander à leur gouvernement de cesser de gaspiller leurs ressources dans cette lutte darrière-garde contre une petite île perdue au milieu de la Mer des Caraïbes
[Autres articles dans lesquels Israel Shamir a déjà évoqué Cuba :
Green Lizard
http://www.israelshamir.net/English/Green_Lizard.htm
(texte traduit en français par mes soins sous le titre Le Lézard vert)
Continue à briller, ô Cuba : Introduction illustrée :
http://www.israelshamir.net/French/Fr37.htm ]