Le drame iranien fut une bonne chose car, après des années de diabolisation, les Iraniens sont apparus en leur qualité dêtres humains aux yeux du public occidental. Même McCain a pleuré la jeune fille iranienne tuée, alors quhier seulement il laurait jovialement « bombardée, bombardée, bombardée », elle et des millions de ses surs, jusquà les faire totalement disparaître. Glenn Greenwald a relevé « cette nouvelle sollicitude du quarteron des « Faut bombarder lIran ! » envers Le Peuple Iranien » : « Imaginez combien des personnes qui sont en train de manifester, ces jours-ci, seraient mortes, si lun quelconque de ces partisans du bombardement à outrance avait eu gain de cause ! Heureusement, un des principaux avantages des troubles en Iran, cest le fait quils ont le don dhumaniser le pire Ennemi, quel quil puisse bien être ». Cette humanisation risque fort de ne pas être contrée de sitôt et, par conséquent, les bombardements pourraient bien ne jamais avoir lieu, en dépit des plaidoiries en leur faveur de MM. Netanyahu & Lieberman
Reste que lon a senti le vent du boulet. Un jour ou deux après les élections, lIran semblait au bord du gouffre, prêt à entrer dans la folie totale, avec dénormes foules incontrôlables et une garde révolutionnaire bien armée, face à face, avec une haine implacable entre les deux camps. Toutes les réalisations de lIran auraient pu être détruites dans le maelström des affrontements ; une puissance régionale chancelante aurait fort bien pu être renvoyée cinquante ans en arrière. Durant un instant, il fut impossible de prédire le script de lavenir. Téhéran allait-elle suivre Kiev, la capitale de lUkraine, les autorités cédant à une pression inexorable des rebelles, organisant de nouvelles élections et installant au pouvoir un président pro-occidental, privatisant le pétrole et le gaz, donnant le pouvoir à des oligarques et à des transnationaux, adhérant à lOtan ? Ou allait-elle suivre celui de Tiananmen, avec ses tanks écrasant des étudiants obstinés ?
Mais cela sest bien terminé, en évitant les deux écueils extrêmes. De jeunes professions libérales, parfois qualifiées de manière peu élégante « la bande à Gucci », des communistes anticléricaux et des libéraux, beaucoup dIraniens ordinaires de la classe moyenne, ont saisi la chance de montrer quils aspiraient à un régime moins austère. Ils veulent pouvoir prendre un verre en terrasse, porter des vêtements élégants, célébrer de somptueux mariages sans se faire houspiller. Certains dentre eux veulent user de leurs privilèges et limiter le pouvoir de lEtat et de la mosquée. Ils ne veulent pas être contrôlés à tout instant par les services de sécurité. Certains partisans de Moussavi soutiennent aussi le combat du peuple palestinien ; ce ne sont pas des agents de la CIA, mais des gens honnêtes et sincères. Beaucoup dentre eux ont une activité artistique, notamment dans la riche littérature et le merveilleux iraniens. Les Iraniens de létranger ont très majoritairement soutenu Moussavi, et ce sont de braves gens, eux aussi.
Le gouvernement du Président légitimement réélu Ahmadinejad feraient bien dapporter attention à leurs désirs, ne serait-ce que partiellement. Bien sûr, il est loisible de moquer ces jeunes Iraniens occidentalisés, qui criaient « Ahmadi, Bye-bye ! » dans leur langage dadolescents, style dessin animé, mais personne ne saurait bien gouverner tout en saliénant totalement ces élites édificatrices de la nation : lart de gouverner, cest, avant tout, lart du compromis.
Les partisans de Mousavi ne devraient pas être trop marris de leur défaite : ils composaient une telle foule disparate, allant des communistes aux anticommunistes, des anticléricaux aux mullahs et aux ayatollahs, quen aucune manière ils nauraient pu être, tous, contents, même sils avaient remporté cette élection. En réalité, une victoire de Moussavi ne saurait être autre chose que le début dune lutte ouverte pour le pouvoir, et les adeptes les plus en voix et les plus visibles du changement finiraient par se retrouver les grands perdants. Cest ce qui est arrivé aux dissidents soviétiques. Dans la confrontation russe, similaire en bien des points à celle de lIran, en août 1991, lopposition lavait emporté et une vaste majorité des gens qui ont tenu les barricades pour Yeltsine ont eu à le regretter : ils se sont fait avoir et ils ont été dépouillés. Cela sest produit, également, pour les dissidents iraniens, après la chute du Shah : les communistes du parti Toudéh se sont retrouvés hors-la-loi après le succès de la révolution à laquelle ils avaient uvré si longtemps.
Si limmense majorité des Iraniens ont voté Ahmadinejad, cest parce que celui-ci est un homme modeste, qui se dévoue corps et âme pour son peuple, cest parce quil sest soucié des pauvres et quil a protégé lIran contre les serres impérialistes. Son uvre, en matière de programme nucléaire, semble très largement populaire, si bien que même son opposant vaincu na pas osé la moindre critique contre ledit programme. Ahmadinejad a bénéficié dun soutien énorme dans lensemble du pays, y compris dans le Nord-Ouest peuplé dAzéris. Il est aussi populaire dans le monde entier, qui voit en lui un symbole de la rébellion du Tiers-Monde, aux côtés de Castro et de Chavez. Il maintient de bonnes relations avec la Russie et avec la Chine voisines, et même avec lIrak et lAfghanistan, sous occupation américaine. La visite-éclair quAhmadinejad a effectuée à Iekaterinbourg, afin dy assister à la conférence de lOrganisation de Coopération de Shangaï, en pleine insurrection, a démontré sa stature dhomme dEtat. Dans son discours dynamique, extrêmement bien reçu, il na pas fait la moindre allusion à la crise, chez lui, en Iran, et il a été félicité par ses homologues, le Président russe Medvedev et le Président chinois Hu Jintao, pour sa victoire électorale. Sa position antisioniste irréfragable la rendu cher aux voisins arabes de lIran, fût-ce au grand déplaisir des gouvernants arabes. Ses armes ont sauvé le Liban, en 2006, qui eût été voué, sans elles, à être phagocyté par Israël. Certes, par moment, Ahmadinejad pousse le bouchon un peu trop loin (Mais, sil ne le faisait pas, comment pourrait-il savoir jusquoù il peut aller trop loin ?
Les accusations de fraude électorale sont absolument dénuées de fondement, comme notre ami James Petras la démontré, Thierry Meyssan ayant, quant à lui, expliqué la technique utilisée afin de convaincre les Iraniens quils se seraient fait avoir. Mais au-delà du bobard de la soi-disant « fraude », il y avait une plainte authentique : les élites, bien souvent, ne sont pas daccord avec la démocratie, avec les décisions adoptées par une quelconque majorité. Les gens riches, cultivés et puissants ont le sentiment quil est impossible que leur voix ne pèse ni plus ni moins que celle dun O.S. ou dun simple paysan. Ils sont partisans « du gouvernement dune élite », et « dun vote proportionnel à la place occupée par chaque individu, dans ladite élite », comme aime à le répéter le personnage dHenderson (ce pote de James Bond est un détective non moins poivrot quaustralien), créé par Ian Fleming, dans le roman « On ne vit que deux fois ».
Habituellement, les élites sarrangent pour « diriger » la démocratie, si bien que les gens ordinaires finissent par voter par un représentant desdites élites. Cest comme ça, de lInde aux Etats-Unis Toutefois, en de certains moments critiques, ce système peut ne pas fonctionner. Dans ces cas-là, les élites ont tendance à mépriser totalement le vote de la majorité et à agir à leur guise. Ce fut le cas, en Russie, en 1993, quand les nouvelles élites pro-occidentales ne furent pas daccord avec la majorité représentée par le Parlement et quelles firent bombarder ledit Parlement par des tanks Sur ses ruines, ces élites pro-occidentales installèrent le nouveau système de gouvernement direct. Cela fut également le cas à Belgrade, où les Serbes durent voter, puis revoter, puis re-revoter, puis re-re-revoter, jusquà ce que le candidat des élites fût (enfin) confirmé. Ainsi, au niveau psychologique, les partisans de Moussavi ont eu le sentiment davoir été privé du pouvoir quils méritaient, par nature. Mais les élections, en Iran, ne sont pas chose rare : ils peuvent donc en rabattre un peu sur leurs ambitions folles, accorder un tantinet de considération à la volonté des citoyens ordinaires et attendre les prochaines.
En sus des participants directs et des candidats, le drame iranien a eu deux protagonistes dimportance, dont les actions positives ont contribué à éviter le bain de sang et la catastrophe. Lun des deux est le guide spirituel Ali Khamenei, un sage, diplômé de lUniversité de Moscou. Il a conservé un contrôle total sur les événements. Un homme tel que lui a cruellement manqué, à Kiev et à Pékin. Son sermon de vendredi a calmé les passions. Il a établi lévidente contradiction entre les hooligans et les agents de la CIA, dun côté, et les partisans sincères du programme de Moussavi, de lautre. Après cette séparation des moutons davec les chèvres, la paix civile a pu se rétablir sans délai. Khamenei a pardonné aux partisans de Moussavi, quil a accueilli à bras ouverts. De fait, ce fut la fin des grandes manifestations seuls, de petits groupes dactivistes nés deux fois ont défié ses ordres, ils ont été dispersés grâce au recours à des moyens non létaux.
Le deuxième protagoniste se trouvait à lendroit le plus inattendu, à savoir à Washington. Le président Obama, puisque cest de lui dont il sagit, est un authentique héros, dans cette dramaturgie. Il sest refusé à faire procéder à lescalade dans les troubles, en dépit des exigences des néocons. Il na jamais appelé les Iraniens à se soulever, armés, contre le régime honni ; il na jamais mis en doute la légitimité des élections, il na jamais menacé Téhéran de la rayer de la carte. Pour un président élu récemment, pris en sandwich entre la vieille garde dHillary Clinton et de Joe Biden et la jeune garde (sioniste, ndt) dEmmanuel Rahm et dAxelrod, avec une sévère récession dans les pattes, avec les coffres de son budget électoral remplis par des donations juives, ce fut, de ça part, un acte dun héroïsme insensé, dans le genre Iwo Jima. Jimagine ce que Ronald Reagan ou George Bush Père&Fils, auraient dit, à sa place On aurait eu droit à un truc dans le genre : « Nous sommes tous des Iraniens » (Et encore, dans le meilleur des cas ).
La « révolution verte » qui a fait pschitt avait été préparée par la CIA infiltrée par les sionistes, du temps de Bush. Paul Craig Roberts a cité le néoconservateur Kenneth Timmerman, qui a écrit, à la veille des élections, quune « révolution verte » était annoncée à Téhéran, « le National Endowment for Democracy (le NED, un des instruments de la CIA, I.Shamir) ayant dépensé des millions de dollars à promouvoir des révolutions « colorées » Une partie de cet argent semble avoir terminé entre les mains de groupes pro-Moussavi ». Mais le Président Obama était un acteur plus que rétif, dans cette histoire. Ce nest quaprès y avoir été poussé par Biden quil a exprimé un désir plus que modeste de nassister à rien de fâcheux à Téhéran. Ainsi, à mes yeux, le Président Obama sest honorablement dédit de sa promesse, faite au Caire, de reconnaître les résultats des élections et déviter de simmiscer dans les affaires intérieures des pays du Moyen-Orient Bon : il aurait pu arrêter la CIA. Mais cétait là, probablement, quelque chose qui nétait pas dans ses possibilités (ça pas dans son « Yes we can » ? ndt ).
Si quelquun voulait en faire une pièce de théâtre, le prologue devrait être campé à la Maison-Blanche, avec larrivée du Premier ministre israélien Netanyahu Son rôle pourrait être interprété par une grosse dondon habituée à ce quon lui obéisse au doigt et à lil.
– « Je veux un nouveau manteau de vison ! » exigerait-elle, ce à quoi lAfricain senquerrait non sans rudesse de savoir si elle ne se contenterait pas de deux coups de pied au cul, en lieu et place ?
Sauf que, dans une attitude typique tout à fait dans le style de Salomé, à la place du manteau de vison, Netanyahu a exigé son comptant de têtes persanes coupées. Il a trouvé lexplication biblique idoine : les Perses sont Amalek, la tribu ennemie : ils doivent donc tous être exterminés, jusquà leur dernier chat de gouttière.
Habituellement, lorsquils rencontrent des Premiers ministres israéliens, les Présidents américains commencent à mégoter, comme le fait Abraham avec le Dieu de lAncien Testament : « Oh, non : pas jusquau dernier chat de gouttière : laissez-nous épargner quelques chats persans Hein ? Sil vous plaît !? »
Toutefois, Barack Obama na pas débattu de cette question : il a exigé des Israéliens quils gèlent lexpansion des colonies juives.
– Nous ferions bien mieux de ne pas perdre notre temps à ça, et denvisager les diverses méthodes pour bombarder lIran , objecta Netanyahu Mais le Nègre-en-chef ne marcha pas dans la combine : il nacheta pas la marchandise défraîchie du juif. Il insista, exigeant le démantèlement de quelques colonies, et il a mis ça à lordre du jour. Alors, pour remettre lIran sous les projos, et pour nous faire oublier les colonies, les manipulateurs sionistes décidèrent de remuer la boue au fond de la mare Iran
Les événements dIran font partie intrinsèque de la lutte menée actuellement par lâme de lAmérique, incarnée par son président Obama, afin de ramener lexcessive influence juive à sa juste proportion. En dépit du temps très court depuis lequel il tient ferme en main le gouvernail du brave navire Amérique, Obama a franchi quelques pas vraiment courageux :
– Il a fait son discours, au Caire, tendant un rameau dolivier au monde musulman ;
– Il a exigé dIsraël quil démantèle les colonies et lève son blocus sur Gaza ;
– Il a refusé de soutenir le projet visant à bombarder et/ou à saper lIran ;
– Quarante-deux ans après, son Administration a décerné la Silver Star Medal à un survivant de lUSS Liberty. Ce navire de guerre américain avait été attaqué par des avions et des torpilleurs israéliens, cette lâche agression ayant été cachée aux yeux des citoyens américains avec la connivence de tous les présidents successifs des Etats-Unis jusquà Obama ;
– Inspirée par la victoire dObama, lUniversité de Californie sise à Santa Barbara a bloqué la tentative du lobby juif de discréditer et de licencier le Professeur Robinson. Cest là une première absolue en Amérique ! Cet événement est comparable aux premiers échecs du Sénateur McCarthy et de son HUAC (le House Committee on Un-American Activities, Comité Intérieur des Activités Antiaméricaines)au moment où cette machine à broyer les humains était inopinément tombée en panne.
Vous ne pouviez pas vous attendre à ce que le Lobby accepte sa défaite stoïquement. Ils ont contre-attaqué Obama par tous les moyens possibles et imaginables, dont notamment des blogues imbéciles listant ce quil na pas encore fait, au lieu de célébrer ce quil a dores et déjà fait Il a suffisamment dennemis sur sa droite, pour que la gauche puisse se laisser convaincre en attendant des jours plus sûrs.
Les Iraniens, aujourdhui, ont une tâche très importante à accomplir : ils doivent raccommoder les accrocs et les déchirures causées par la campagne au code coloré inspiré par les sionistes et la CIA. Ils doivent se rappeler que des techniques ultrasophistiquées de psycho-engineering social rend possible à des malfaiteurs dutiliser des réseaux de socialisation tels que Twitter afin de semparer du contrôle sur des sociétés entières et de les détruire. Les citoyens iraniens ordinaires qui se sont fait piéger par cette forme de contrôle mental sont aussi innocents que si on les avait empoisonnés.
Le temps de jeter des pierres est derrière nous : voici venu le temps de bâtir avec.