traduit de langlais par Marcel Charbonnier
Le printemps est venu jusquà notre retraite nordique : la neige a fondu, découvrant des prairies qui se sont arrangées, on comprend mal comment, pour rester vert pâle ; la glace, épaisse, qui recouvrait le lac, sest brisée, et ses blocs se sont hissés sur la berge, comme autant de crocodiles blancs ; maintenant, une brise tiède souffle, et le soleil brille, comme pour dire « maintenant, fini dhiverner : faut travailler ! ». Le Printemps est venu conclure un Hiver splendide : notre âme a autant besoin dobscurité que de lumière et, ici, à 60 degrés de latitude Nord, à un jet de boule de neige du Cercle Arctique, en ce lieu où je passe quelques mois, loin de lincessant soleil méditerranéen, lobscurité ma été prodiguée à pleines poignées, aussi généreuse que ces montagnes de crème glacée, dans nos rêves de gamins. Dieu sait si jaspirais à lobscurité et à lisolement au froid, aux ciels nocturnes noirs et bas, avec une myriade détoiles scintillantes à des champs bordés de neige et à des pins brodés de neige au soleil, ne sélevant guère au-dessus de lhorizon, à la paresse des matins tardifs, aux journées raccourcies et aux soirées interminables, au feu crépitant dans la cheminée, au patinage sur glace et aux descentes à ski et tout cela ma été prodigué, à foison. Et voici quaujourdhui un rayonnement se déverse dans notre univers, promettant la résurrection de la Lumière issue de la Lumière, Lumen de Lumine, Φώς εκ φωτός
Cest le temps des bonnes nouvelles. A Londres, le mouvement Palestinian Solidarity a repoussé une motion dactivistes juifs visant à exclure Deir Yassin Remembered [Mémorial de Deir Yassine], la plus dynamique des associations palestinophiles non-sionocompatibles, au motif (entre autres péchés) quelle a un lien avec moi. Le samedi 10 mars, au Meeting Général Annuel de la Campagne de Solidarité avec la Palestine, deux motions
[ http://www.zionism-israel.com/israel_news/2007/03/legitimate-criticism-of-israel.html ] ont été proposées par Tony Greenstein et Roland Rance, toutes deux tout aussi interminables que parfaitement explicites, exigeant des amis de la Palestine quils fassent de la « lutte contre lantisémitisme et contre le négationnisme de lHolocauste » lAlpha et lOméga de leur combat. Qualifier cette impudence de chutzpah serait un euphémisme. Ces types sont tellement malhonnêtes que je nai absolument pas été étonné dapprendre que ce Greestein [ http://geocities.com/tonynotgreenstein/Criminal.pdf ]avait été dénoncé en tant que fraudeur à la carte de crédit. Greenstein avait sali Deir Yassin Remembered [DYR], le président de DYR, le professeur Dan McGowan, le directeur britannique de DYR, Paul Eisen, ainsi que notre ami Gilad Atzmon, dans le quotidien britannique The Guardian, dans un article intitulé « Les dessous de la solidarité »
[ http://commentisfree.guardian.uk/tony_greenstein/2007/02/greenstein.html ], et il mavait attaqué personnellement dans un long texte intitulé « LAntisémitisme ne saurait être la bonne réponse au sionisme »
[http://www.amin.org/look/amin/en.tpl?IdLanguage=1&IdPublication=78&NrArticle=396118&NrIssue=1&NrSection=3 ]. Ainsi, ils ont essayé dinterdire DYR, bien que cette association accorde des bourses détudes à des enfants palestiniens, informe le public et commémore le combat et les souffrances des Palestiniens. Paul Eisen
[ http://groups.yahoo.com/group/shamireaders/message/906 ], Ramzy Baroud
[ http://arabnews.com /?page=7§ion=0&article=93246&d=7&m=3&y=2007 ] et Gilad [http://peacepalestine.blogspot.com ] les ont envoyé chier.
Les deux motions ont été rejetées à une stupéfiante majorité 95 % des voix , a indiqué Mary Rizzo sur son blog [ http://peacepalestine.blogspot.com ]. Les amis britanniques de la Palestine ont tranché en faveur de la liberté de pensée et du pluralisme, et ils ont rejeté le lit de Procuste dune analyse sociale imposée par les activistes juifs. Si leur motion, par malheur, avait été acceptée, elle aurait déligitimé non seulement Gilad, Paul Eisen et votre serviteur, mais aussi Michael Neumann, Jimmy Carter et jusquà Walt et Mearsheimer eux-mêmes. Quiconque aurait fait allusion à lexistence dun lobby juif aurait été qualifié dantisémite, et mis au ban. Cela aurait institué une croyance obligatoire au mythe juif antisioniste de la création, selon lequel, seul, limpérialisme serait coupable, le lobby juif étant une invention des antisémites – une vision fallacieuse des choses magnifiquement déconstruite par M. Ahmad
[ http://www.dissidentvoice.org/Mar07/Ahmad04.htm].
Lobsession de lholocauste serait devenue un devoir pour tout ami de la Palestine. Mais ceux qui veulent que la Palestine soit libre veulent être, eux-mêmes libres : libres de lire, libres décrire et libres de dire ce quils veulent. Et cest ainsi, afin de protéger cette liberté chérie, quils ont rejeté le diktat juif.
Bien sûr, cest un détail, en comparaison des merveilles de la nature, ou même en comparaison avec certains des combats fondamentaux que des gens sont en train de livrer, ailleurs dans le monde. Mais ne tordons pas le nez dessus ; ce fut, là, une importante bataille et une grande victoire, même si elle a été arrachée dans notre propre camp, sur notre propre terrain. Comme la dit un jour Churchill : « ça nest pas le commencement de la fin ; cest la fin du commencement ». Depuis des années et des années, ils obtenaient absolument tout ce quils voulaient. Les juifs de droite attaquaient Ken Livingstone et Jimmy Carter en raison de leur « antisémitisme », tandis que les juifs de gauche attaquaient, quant à eux, mes amis, et moi-même, sous le même prétexte, avec la même perfidie. Il était totalement impossible de prononcer le mot « juif » autrement quavec une admiration proche de ladoration, et de conserver néanmoins sa place dans la société.
Effrayé par cette offensive, les alliés timides faisaient défection, voire participaient eux-mêmes à lostracisme ; ils arrêtaient de répondre aux courriers que je leur avais adressés, ils rejoignaient le chur des accusateurs. Des sites ouèbe (les médias écrits, je nen parle même pas ) cessaient de publier mes essais, les organisateurs de mes conférences me désinvitaient. Comme les Commissaires vêtus de cuir de la redoutée Tchéka, des activistes juifs simmisçaient dans absolument toutes les conversations pour imposer leur discours unique le seul « vrai » , et les gens se mettaient au garde-à-vous, le petit doigt sur la couture du pantalon Seuls, les esprits les plus solides, les plus déterminés et les plus amoureux de la liberté soutenaient leur assaut dessaim de moucherons. Le vote intervenu à Londres est-il annonciateur dun changement ? Peut-être le long hiver de nos dissensions est-il, enfin, terminé ?
Cest possible, car souffle actuellement le vent dominant venu de lOrient. En dépit de sa propre merveilleuse civilisation et de ses conforts terrestres, lOccident a toujours reçu ses meilleures idées les plus profondes de lOrient, quil sagisse du Christianisme (venu de la Palestine), ou du socialisme (venu de la Russie).
Et voici quaujourdhui, la Russie nous offre la Volya cette liberté russe illimitée et intraduisible antidote de cette guerre menée, en réalité, contre les libertés, mais qui se dissimule sous son pseudo de « guerre contre le terrorisme ». La Russie est incroyablement libre, ou plutôt : elle est pleine de volya : on peut fumer dans un restaurant ou dans un bar, on na pas lobligation dattacher sa ceinture de sécurité, et même le parking est libre, pour peu quil y ait une place de libre. Plus important encore : vous pouvez dire, écrire et publier pratiquement tout ce qui vous passe par la tête. En plus de toutes les libertés disponibles en Occident, les Russes peuvent être gays, ou se moquer des gays ; ils peuvent déplorer lHolocauste, ou regretter quil ait pris fin trop tôt ; ils peuvent être féministes ou harceler les féministes ; ils peuvent aimer Israël ou prôner sa rapide dissolution.
Cest un fait : tous les journaux libéraux et détenus par des juifs, en Occident, déplorent le manque de libertés dans la Russie « soumise au dictateur sanguinaire du KGB Poutine » (ou au Venezuela « soumis au dictateur sanguinaire Chavez »), (ou encore à Cuba, « soumis au dictateur sanglant Castro » cest simple : tous ceux dont la tête ne leur revient pas sont toujours des dictateurs sanguinaires, vous avez pigé le truc ?), mais les Russes sont libérés du politiquement correct et de ladoration des juifs ces deux caractéristiques fâcheuses de lOccident de laprès-guerre.
Récemment, un groupe décrivains russes a effectué une visite en Israël, où ils ont rencontré leurs lecteurs (il faut savoir que plus dun million dIsraéliens sont russophones). Les lecteurs ny sont pas allés par quatre chemins : ils ont demandé à leurs écrivains préférés de jurer allégeance à lidéologie en vigueur ; de condamner lIran, et de glorifier Israël cette « forteresse de la démocratie au Moyen-Orient » , de dénoncer la fourniture darmes russes aux Arabes et de fustiger l « antisémitisme » des Russes. (Il est vrai que les juifs ont tendance à se voir en créditeurs, cest sans doute la raison pour laquelle ils sont très prompts à formuler des exigences )
Nimporte quel visiteur de marque occidental se serait aplati, quand bien même serait-il allé chialer auprès de sa femme, après coup. Le déni dun antisémitisme omniprésent et éternel ne vaut pas mieux que le négationnisme de lHolocauste. Mais la Russie est libre, et les lecteurs russo-israéliens ayant demandé à lécrivain russe Maria Arbatova de leur dire de quelle manière elle « souffrait de lantisémitisme » et à quel point « sa vie dans la Russie du dictateur Poutine devait être un enfer », elle a refusé tout net :
« Mais vous allez arrêter, avec ça ?! ? », a-t-elle protesté
[ http://m-arbatova.livejournal.com/814.html ].
Puis elle a ajouté : « Moscou, de nos jours, ressemble au Paris des années 1960 : nous avons plus de manifestations culturelles dans une seule journée que vous nen avez durant tout un mois. Aujourdhui, la glorieuse Moscou est un centre de rayonnement mondial. Quant à vous, vous nous fatiguez. Et les Arabes, eux aussi, en ont ras-le-bol de vous et de vos exigences ! Votre projet (sioniste) purement occidental est failli ; il nest plus daucune utilité. Si mes enfants savisaient ne serait-ce que denvisager aller sinstaller en Israël, je leur dirais : « Moi vivante ; jamais ! ». La Russie na jamais connu lantisémitisme. Je nai pas ressenti dantisémitisme, ne serait-ce quune seule fois dans ma vie – et jai cinquante ans ! Vous me dites que les juifs ne trouvent pas de travail ? En Russie ? Il est arrivé, une seule fois, à ma mère de se faire rembarrer, mais elle a immédiatement trouvé un autre boulot, bien plus intéressant, en faisant jouer les relations de sa famille. »
Telle fut, donc, la réponse à ses lecteurs israéliens dun femme écrivain progressiste russe éminente. Loin dêtre un nationaliste russe, le grand-père de lécrivain féministe russe en vue Maria Arbatova était un important dirigeant juif, et son arrière-grand-père fut un des fondateurs du mouvement sioniste en Russie tsariste. Quant à elle, sa réponse a été à la fois universelle et paradigmatique.
En Occident, Tony Judt et Harold Pinter auraient pu dire la même chose peut-être, également, Philip Weiss. Les autres ont toujours les foies. Mais les propos tenus par des évêques allemands qui se sont par la suite repentis peuvent être tenus, sans problème, dans la libre Russie, par des descendants de juifs, ou par nimporte qui. Le charme mystique des juifs sest éventé, en Russie, ce pays où on ignore ce que peut bien être le « politiquement correct », où les églises sont pleines à craquer et où les gens se bénissent mutuellement en se disant : « Christ est ressuscité ! ». Loin dêtre effrayés et de se sentir insultés, comme le voudrait la doxa américaine multiculturaliste, beaucoup de mes amis (juifs) de Moscou se considèrent « tout simplement Russes », quand bien même descendent-ils dun parent juif (ou de deux). De plus, avec un taux de mariages mixtes atteignant près de 80 %, la juiverie russe est derrière nous : elle appartient désormais au passé. Beaucoup de juifs russes (ou plutôt : de Russes juifs ) sétaient laissés embobiner par la propagande sioniste. Mais ils ont eu largement assez de temps pour en prendre conscience, et regretter leur précipitation.
Il faut reconnaître quIsraël sest beaucoup démené afin de les détromper : même les juifs russes les plus aisés ont constaté quils étaient fort mal accueillis dans leur « foyer national historique ». Loligarque Gusinsky est mis en examen ; à chaque fois quil vient en Israël, depuis sa résidence principale espagnole, on lemmène direct au commissariat central ; un des juifs russes les plus riches, Arcadi Gaidamak, sest vu séquestrer son compte en banque. Des Russes moins en vue ont été maltraités et exploités par de vieux briscards établis de longue date en Israël et par leur progéniture, exactement de la même manière dont des juifs (séfarades) exilés du Maroc avaient été maltraités et exploités, voici, de cela, quelque quarante ans. Pratiquement aucun dentre eux ne sest fait une place au soleil méritant dêtre mentionnée. La guerre éternelle prônée et mise en pratique par les dirigeants israéliens les séduit peu ; les missiles du Hezbollah leur ont montré quIsraël nest plus invulnérable, et une offensive israélienne future contre la Syrie ou lIran pourrait entraîner un grand nombre de victimes parmi les civils israéliens. Corrompu, même en tenant compte des standards moyen-orientaux, perclus de préjugés au point dêtre en proie à une jalousie maladive, Israël est sans doute lendroit où vivre est le moins attractif, en particulier pour des gens éminemment mobiles et dynamiques.
Le résultat, cest que des dizaines de milliers dIsraéliens dorigine russe retournent en Russie, y trouvent leur véritable pays, leur véritable foyer là-bas, sur leur terre natale. Lidée sioniste avait un certain charme romantique, mais ce genre de trucs, ça ne dure généralement pas. Ainsi, dans les années 1970, javais rencontré des Noirs américains, en Tanzanie, venus vivre en Afrique, poussés par une vague de quête romantique de leurs propres racines. Le maximum quils tinssent exceptionnellement cétait cinq ans. Dans lintervalle, ils en étaient venus à admettre quils étaient Américains, pour le meilleur ou pour le pire, tandis que les Africains étaient divisés entre de nombreuses nations et tribus, et quils nen trouvaient aucune à leur goût. Impossible de « rentrer chez soi », deux cents ans après. Ni, a fortiori, après deux millénaires !
Le scientifique russe Dan Axelrod, originaire de Saint-Pétersbourg, ma parlé de ses parents, en Israël, qui aimeraient tellement retourner vivre dans cette ville et y racheter les appartements quils y avaient bradés, voici une dizaine dannées (cétait sous Yeltsin). La seule chose qui les en dissuade, cest une triste réalité : la valeur de ces appartements a fait dix fois la culbute, depuis lors.
Axelrod a dépassé ce genre de problèmes : ce fils de parents juifs est un chrétien orthodoxe pratiquant, il observe strictement le Carême, il a épousé une femme russe, fait baptiser ses enfants, et il aime son pays la Russie. Apparemment, la Russie a trouvé une réponse à la Question Juive : ni par la furie germanique, ni par la soumission américaine, mais via lassimilation dans lamour chrétien. Ce modèle russe est le seul qui puisse fonctionner ; il finira par fonctionner en Palestine, aussi
Cest dailleurs là une raison supplémentaire pour laquelle la Russie est tellement haïe et tellement dénigrée par les médias bien-pensants occidentaux contrôlés par les sionistes, et cest la raison pour laquelle la Russie est aimée des amis de la Palestine. Un de mes amis suédois, qui est aussi un ami de la Palestine, Stefan L., ma écrit : « Vous avez tout à fait raison, en ce qui concerne Poutine. Le fait quil soit lotage des oligarque, cest une chose mais quand il remet les pendules à lheure, en affirmant la vérité, pour une raison ou pour une autre, nous laimons bien, cet espion au visage de souris et à laccent Kalashnikov ! Et à chaque fois que nous revient en mémoire lexistence de Yeltsine, nous jurons à Poutine une éternelle loyauté ! »