La canicule met à rude epreuve ceux qui ne beneficient pas d’air
conditionne. Lorsque le thermometre s’affole, atteignant des quarante degres
et plus (ou des valeurs a trois chiffres, pour les adeptes de la graduation
Fahrenheit), l’humanite marque le pas et elle s’enquiert de trouver son
salut en se refugiant dans des lieux ombrages et – si possible – frais. Des
parents quittent les villes, emmenant leurs enfants a la plage. Des couples
bon chic bon genre s’acheminent vers les montagnes. Mais la recette la plus
sophistiquee pour se defendre contre l’inconfort cause par la sueur qui vous
fait coller les vetements a la peau, ce sont les Japonais, toujours tres
inventifs, qui l’ont decouverte. Par les nuits d’ete les plus caniculaires,
ils forment des petits groupes, et ils se racontent des histoires d’horreur
a faire dresser les cheveux sur la tete, ce qui leur envoie d’agreables
frissons le long de la colonne vertebrale et leur donne la chair de poule,
bien qu’ils aient souvent une peau d’ivoire. En juillet, tous les cinemas de
Tokyo passent les grands classiques de l’horreur, depuis Kwaidan et sa
flopee de fantomes jusqu’a Godzilla exercant sa terrible vengeance sur New
York. Apres des films pareils, les Japonais sont (un peu) plus armes pour
affronter bravement la chaleur suffocante…
Cet ete, l’exemple japonais a fait un emule en la personne de David
Aaronovitch, dans l’hebdomadaire britannique Observer. Afin de glacer
(charitablement) le sang de ses lecteurs anglais, il a eu recours a la «
Diffamation Sanglante », cette histoire recurrente de juifs enlevant des
enfants chretiens, les tuant et « utilisant leur sang pour des rituels
esoteriques ». « L’Angleterre, aux douzieme et treizieme siecles, a connu
une flambee de ces fantasmagories, et de nombreux juifs ont perdu la vie a
cause d’elles », a-t-il notamment ecrit, feignant ensuite de s’interroger :
« Alors, dites-moi ce qu’une diffamation sanglante peut bien fabriquer dans
un editorial du venerable quotidien egyptien a grand tirage Al-Ahram, ou
encore dans un livre ecrit par le ministre syrien de la Defense, ainsi que
dans des sermons radiodiffuses depuis certaines mosquees de Palestine ? »
Apres quoi, Aaronovitch nous explique que « la diffamation sanglante en
question est celle de l’affaire des disparitions de Damas, en 1840, dans
laquelle plusieurs juifs (dont un certain David Harari) ont « avoue » aux
autorites ottomanes – bien entendu, sous la torture – avoir kidnappe un
pretre et en avoir utilise le sang pour leur rituel. »
Le pretre assassine a Damas etait loin d’un enfant, mais il en faudrait plus
pour arreter Aaronovitch. Il ne sait absolument rien de cette affaire, mais
cela n’a pas l’air de l’arreter non plus. C’est simple : IL SAIT – Un juif
ne peut qu’etre innocent.
Aaronovitch n’est pas seul dans son cas. Jackie Yakubowsky, en Suede, et une
plethore de ses clones, de New York a Moscou, rappellent a leurs lecteurs
les infamies de Damas. Si vous effectuez une recherche sur Internet, vous
trouverez cette expression de « diffamation sanglante », utilisee d’
abondance des lors qu’un ecrivain juif est irrite par une accusation portee
contre un juif. Qu’il s’agisse d’un Marc Rich soustrayant au fisc des
milliards d’impots, d’un George Soros mettant la Malaisie sur la paille, d’
un Ariel Sharon accuse de massacre de masse devant un tribunal belge ou
encore de Muhammad al-Durra, tire comme un lapin sous les yeux de millions
de telespectateurs, nous avons affaire, a chaque fois, a un cas de «
Diffamation Sanglante ». Aujourd’hui, il n’est plus necessaire qu’il y ait
des enfants et du sang. Des que les juifs n’aiment pas un truc, c’est de l’
« antisemitisme ». Cela, on le sait. Mais si une accusation vraiment genante
est formulee, la meilleure defense consiste a lever vos yeux vers le ciel et
a vous exclamer : « Mais, c’est de la Diffamation Sanglante ! » Exercice :
Devant la glace, essayez d’imiter la mimique de Shimon Peres apres la
condamnation mondiale du massacre de Jenine.
«Diffamation Sanglante ! », voila le cri de guerre juif, a l’instar du «
Montjoie Saint-Denis ! » des Croises francais et du « St George for merry
England ! » des chevaliers anglais. Des qu’il est profere, les juifs sont
mobilises, prets a l’action, tandis que les Gentils, horrifies par l’
accusation, restent meduses.
Le tribut des enfants palestiniens tues par Tsahal ayant atteint plusieurs
centaines et ayant commence a attirer l’attention des organisations
internationales, l’epouvantail de la Diffamation Sanglante, ultime defense
des assassins, fut promptement ressorti du hangar. Cela a aide, meme si le
chef du Shabak, les services secrets israeliens, n’a pu s’empecher de se
demander, au cours d’une interview televisee diffusee a une heure de grande
ecoute, pourquoi autant d’enfants etaient assassines sans raison par les
soldats israeliens ?
Cette expression terrifiante peut aussi etre utilisee contre des juifs
desobeissants, notez bien. Apres qu’Edward Herman, auteur de Manifacturing
Consent [1] (La fabrique du consensus), ait ecrit ceci : « Le puissant lobby
pro-israelien aux Etats-Unis promeut les interets d’Israel en favorisant l’
accroissement des aides et de la protection americaine a ce pays, ainsi,
actuellement, qu’en faisant pression en faveur d’une guerre contre l’Irak,
qui servira a son tour les interets israeliens. Ce lobby n’a pas seulement
contribue a controler le debat mediatique et a transformer le Congres
americain en territoire occupe par Israel, il a veille a ce que de nombreux
officiels a la loyaute duplice occupent des postes strategiques dans l’
administration Bush… », un realisateur de cinema americain, juif, David
Rubinson m’a ecrit, qualifiant ces propos d’Herman de « summum de la
Diffamation Sanglante ». Mes allusions personnelles aux enfants palestiniens
assassines ont ete qualifiees de « Diffamation Sanglante » par le Jerusalem
Post, un quotidien d’extreme droite publie par Conrad Black.
L’utilisation frequente et tendancieuse de cette categorisation horrifiante
(a cote d’ « antisemitisme » et de « protocoles des Sages de Sion ») a
entraine une certaine depreciation de sa valeur faciale, mais elle n’en est
pas moins encore fort importante. Vous ne pouvez jamais, au grand jamais,
considerer qu’il puisse y avoir un fond de verite dans la Diffamation
Sanglante, cette accusation de meurtres rituels d’enfants. A moins que ? Une
Diffamation Sanglante a ete diffusee, recemment, par l’Observer, ce meme
hebdomadaire qui avait publie les propos d’Aaronovitch, et pourtant, rien ne
s’est passe. Voici l’extrait :
‘Torso boy’ was sacrificed
by Martin Bright and Paul Harris
A boy whose mutilated torso was discovered floating in the Thames in London
was brought to Britain as a slave and sacrificed in an African ‘religious’
ritual intended to bring good luck to his killers.
Genetic tests on the boy – found last September with his head and limbs
removed and wearing orange shorts – point to West African origin.
Further analysis of stomach contents and bone chemistry show the child, aged
between four and seven, whom police have named Adam, could not have been
brought up in London. Detectives are now working on the theory that he was
bought as a slave in West Africa and smuggled to Britain solely to be
killed.
Experts of African religion consulted by police believe Adam may have been
sacrificed to one of 400 “Orisha” or ancestor gods of the Yoruba people,
Nigeria’s second largest ethnic group. Oshun, a Yoruba river goddess, is
associated with orange, the colour of the shorts that were put on Adam’s
body 24 hours after he was killed in a bizarre addition to the ritual.
>From analysis of his clothing police believe Adam may have arrived in London
from Germany. His fate shocked the West African community in Britain. The
vice-chairman of the African Caribbean Development association, Temi
Olusanya, said: “This crime cannot be tolerated in African religions. Murder
is murder”. The Observer.
Alors, je vous ai fait peur, pas vrai ? Eh bien, non : pas tout suite, l’
extrait… Maintenant, la, voila. Vous avez repris votre souffle ? Vous etes
detendu ? Bon… Dans le passage en question, ce sont les Noirs, qui
commettent des meurtres rituels, pas les juifs ! A-t-on entendu une
quelconque protestation ? Dans le roman Farewell, My Lovely [Adieu, mon
amour], de Raymond Chandler, un paparazzo entre sur le theatre d’un crime,
litteralement couvert de sang. Apprenant de la bouche d’un policier que la
boucherie a ete perpetree par des habitants de Harlem, s’exclame : « Ah ca,
ca saute aux yeux ! » avant de s’eloigner en voiture. Pour quelque raison
obscure, on ne qualifie pas une accusation de meurtre rituel impute a des
Noirs de « Diffamation Sanglante », de meme qu’un genocide perpetre contre
des Noirs ou des Armeniens ne saurait etre qualifie d’ « Holocauste ».
« Si les Palestiniens etaient des Noirs, Israel serait un Etat paria,
assujetti a des sanctions economiques imposees par les Etats-Unis », a ecrit
The Observer dans un editorial apres l’eclatement de la deuxieme Intifada.
Oh que non ! Si les Palestiniens etaient des Noirs (quelques-uns d’entre
eux, au demeurant, en sont), l’esclavage serait retabli aux Etats-Unis et la
maxime du grand sage juif Maimonide [2] « Les Noirs ne sont pas des etres
humains » serait inscrite en lettres d’or sur les dollars americains. Et il
est de fait qu’en cent soixante ans d’existence le Liberia, cet « Israel »
afro-americain, a recu des Etats-Unis moins d’aide que le « Liberia » juif,
Israel, en percoit en un mois.
Pourquoi l’accusation de meurtre rituel portee contre des Noirs est-elle
prise autant a la legere, tandis qu’une accusation formulee a l’encontre d’
un juif cree des vagues dans les consciences ? Pouvons-nous considerer une
accusation formulee contre des juifs de la meme maniere sereine, detachee et
pragmatique dont The Observer et Scotland Yard ont considere une accusation
de meme nature portee contre des Noirs ? Si ce n’est pas le cas, alors :
notre anti-racisme autoproclame ne vaut pas un clou !
La Diffamation Sanglante, les juifs n’ont rien contre, a l’occasion. Les
parents palestiniens sont constamment accuses par des scribouillards juifs
de sacrifier rituellement leurs propres enfants en les exposant a la furie
« (o combien) justifiable » des soldats israeliens. Dans un article intitule
Child Sacrifice, Palestinian Style [Sacrifice d’enfant, a la mode
palestinienne], un certain Reuven Koret remarque, dans Capitalism Magazine
du 13 novembre 2002 : [3] : « Les Palestiniens sacrifient desormais leurs
propres fils et filles pour des raisons politiques, comme en un rituel
sacre. » Le Jerusalem Post a decrit [4] « des parents et des dirigeants
palestiniens (qui) envoient, fiers d’eux, des enfants mourir dans des
attaques contre Israel et ont recours, tout aussi bien, a des attentats
ciblant des enfants israeliens », tandis que la particulierement maligne
Cynthia Ozick a ose ecrire : « Mais l’invention societale palestinienne la
plus ingenieusement barbare, laissant loin derriere toute autre innovation
imaginative, consiste a recruter des enfants palestiniens qu’on envoie se
faire exploser dans le but de detruire le plus grand nombre possible de
juifs dans les endroits accessibles les plus bondes possible. » Pour quelque
raison inconnue, pratiquement aucun lecteur juif [5] n’a ecrit a ces
publications afin de protester contre la « diffamation sanglante » qu’ils
formulaient, ni contre « la mise en cause globale de l’ensemble d’une
communaute, stigmatisee de maniere ignoble afin de diffuser la haine et d’
attiser l’animosite raciale jusqu’a la porter au degre du meurtre et du
massacre », pour reprendre les termes de la protestation formulee par David
Rubinson contre les articles de Herman, et les miens. Apparemment, on peut
accuser une communaute entiere, des lors que cette communaute n’est pas
juive. La diffamation sanglante ne pose aucun probleme, des lors que les
juifs sont les accusateurs, et non les accuses.
Neanmoins, voyez-vous, c’est la croyance dans les meurtres rituels juifs (et
non pas palestiniens) qui s’est repandue historiquement et qui persiste
aujourd’hui. L’ancienne Jewish Encyclopaedia (Vol. III, p. 266) enumere les
cas suivants, en commencant par William de Norwich : cinq au douzieme siecle
; quinze au treizieme ; dix au quatorzieme ; seize au quinzieme ; treize au
seizieme ; huit au dix-septieme ; quinze au dix-huitieme et trente-neuf au
dix-neuvieme siecle. Le comput s’arrete en 1900. Total : cent treize
meurtres rituels. Il y a eu encore plus de cas au vingtieme siecle [6].
Quelle est la raison de cette croyance ? Y aurait-il eu une conspiration d’
ampleur mondiale – persistant au cours des siecles – de surcroit, visant a
impliquer des juifs innocents dans des crimes haineux, ou y a-t-il
reellement un crime derriere ces accusations ?
II
L’intrepide Professeur Israel Yuval, de l’Universite Hebraique de Jerusalem,
s’est attaque a cette question, dans un ouvrage fondateur [7], disponible en
hebreu. Sa traduction anglaise aurait du paraitre il y a quelques annees aux
Presses de l’Universite de Californie, mais, pour un certain nombre de
raisons, elle n’est pas encore disponible. C’est certainement pure
coincidence, si certains universitaires juifs americains ont formule des
objections contre la publication de ce livre et ont appele a ce qu’il soit
« efface de la conscience publique »…
Yuval a decouvert qu’il y a eu des cas irrefutables d’assassinat d’enfant
derriere ces Diffamations Sanglantes. Durant la Premiere Croisade, des gens
impatients ont tente de baptiser par la force des juifs de la vallee du Rhin
afin de sauver leur ame du culte satanique de la haine, car c’est ainsi qu’
ils consideraient le judaisme. Leur refus d’etre baptises fut considere
comme un attachement borne a Satan : pour des gens pre-modernes, notre
indifference religieuse actuelle etait totalement inacceptable. Ils voyaient
un lien direct entre la foi et le comportement, et ils ressentaient la
necessite d’une foi partagee, afin d’unifier la communion des croyants. Un
juif residant en permanence dans un pays chretien creait une situation
compliquee : il etait libere du devoir de l’amour fraternel et pouvait se
comporter de maniere antisociale (ce qu’il faisait frequemment) en
pratiquant, par exemple, l’usure et la sorcellerie. Les chretiens etaient
particulierement outres par la coutume tres respectee par les juifs de
maudire les Gentils. Chaque jour, les juifs demandaient a Dieu de tuer, de
detruire, d’humilier, d’exterminer, d’affamer, de diffamer, d’empaler… les
chretiens, de faire tomber sur eux sa Divine Vengeance et de couvrir le
manteau de Dieu du sang des goyim. Le livre d’Israel Yuval offre au lecteur
une riche selection de maledictions a vous glacer le sang [A lire par temps
de canicule… ndt].
Les Croises n’etaient pas racistes. Ils ne pensaient pas que les juifs
fussent irremissiblement mauvais, mais ils rejetaient l’ideologie de la
haine et de la vengeance que les maledictions juives exprimaient. Ils
avaient egalement peur de ces maledictions, au moins autant que les juifs.
(Dans l’Israel moderne, maudire quelqu’un est considere comme un delit
passible de prison). En realite, pour les juifs comme pour les chretiens de
l’epoque, les maledictions n’etaient pas de simples propos offensants
imbeciles. Les maledictions etaient des armes – puissantes. Les Croises
donnaient le choix aux juifs entre l’expulsion et la conversion ; c’etait la
l’equivalent archaique de notre traitement psychologique moderne destine aux
adeptes des sectes totalitaires. A l’epoque, on baptisait de force les
Slaves et les Scandinaves, par exemple, et il etait evident pour tout le
monde que les juifs vivant en terre chretienne devaient etre baptises, eux
aussi.
Toutefois, les juifs ne prenaient pas a la legere la tentative de les faire
passer dans le Nouvel Israel. Lorsque le « danger » du bapteme devenait
imminent, beaucoup d’entre eux assassinaient leurs propres enfants et se
suicidaient. Ceci est amplement atteste : les chroniqueurs juifs et
chretiens de cette epoque decrivent longuement ces evenements, les juifs
glorifiant ce comportement a la mode de [la ferme de] Waco, les chretiens le
condamnant. Assassinaient-ils les enfants afin de les sauver des griffes du
Christ-demon ? Eh bien, pas exactement. Cela aurait deja ete, en soi,
suffisamment affreux, mais la realite etait pire. Le crime etait perpetre a
la maniere d’un abattage rituel, suivi de libations du sang de la victime.
En effet, les juifs ashkenazes croyaient fermement que le sang juif repandu
avait la vertu magique d’appeler la Vengeance Divine sur la tete des
Gentils. D’autres utilisaient le sang de la victime en expiation. A Mayence
(Mainz), Yitzhak ben David, le chef de la communaute juive, amena ses jeunes
enfants a la synagogue, les egorgea, puis il repandit leur sang sur l’Arche,
en proclamant : « Que ce sang d’agneau innocent soit en expiation de mes
peches. » Cela s’est passe deux jours apres des heurts avec les chretiens,
aucun danger n’etant plus a redouter.
L’image de juifs tuant des enfants pour des motifs cultuels eut un impact
enorme sur les peuples chretiens d’Europe. Ce comportement n’etait en rien
comparable au martyre chretien. Alors que les martyrs chretiens permettaient
que d’autres les tuassent au nom de leur foi, jamais aucun d’entre eux ne s’
est suicide, ni a fortiori n’a assassine ses enfants, ou ceux de quelqu’un d
’autre, a cette sublime fin. Cela contribua a imposer une image de cruaute
et d’impitoyable durete des juifs. Au fil des ans, les circonstances exactes
qui avaient entoure les assassinats d’enfants furent oubliees, mais l’image
d’un juif tuant des enfants resta inscrite dans la psyche europeenne. (Yuval
reprend la these de Robert Graves [http://www.robertgraves.org], qui
expliqua bien des traditions de l’Eglise par la lecture erronee qu’elle fit
au cours des siecles d’images remontant a un lointain passe). Cela fut a l’
origine de l’idee voulant que les juifs trucidassent des enfants chretiens,
alors qu’en realite, les juifs assassinaient leurs propres enfants, nous
explique le Professeur Yuval.
Et il est de fait que les accusations de crime rituel apparurent peu de
temps apres que des enfants eurent ete assassines en Allemagne. Yuval evoque ces accusations avec horreur, passant a cote d’un point essentiel : un
assassinat rituel d’enfant est un assassinat rituel d’enfant. Si des juifs
ont pu commettre ce crime haineux a Mayence et a Worms, et si d’autres juifs
ont pu exalter ce crime, le transformant en comportement exemplaire, jusque
dans des ouvrages historiques publies en Israel dans les annees 1950,
peut-on encore s’indigner et etre horrifie par des accusations de crimes
similaires perpetres a Norwich ou a Blois, ou encore a Damas et a Kiev ? Si
Yuval pense qu’un juif peut utiliser seulement du sang juif pour des
libations destinees a reveiller Adonai [la furie de Jehovah], il n’en reste
pas moins que, dans certains cas, l’enfant kidnappe etait circoncis juste
avant d’etre assassine, c’est-a-dire qu’on l’avait auparavant « transforme
en enfant juif ». Quant a l’expiation des peches, meme le sang d’un agneau
aurait fait l’affaire.
De nombreux recits medievaux de juifs tuant leurs enfants parce qu’ils
etaient entres dans une eglise ou parce qu’ils avaient manifeste le desir d’
etre baptises n’ont rien de particulierement etonnant, lorsqu’on sait que
les parents et la famille plus eloignee de juifs convertis portaient le
grand deuil de ceux-ci. Encore au vingtieme siecle, le doux Tevye le
Laitier, heros idealise du Violon sur le Toit de Sholem Aleichem, prend le
deuil de sa fille baptisee. Le rite de deuil pour une personne encore
vivante est un rite magique destine a tuer cette personne. Des gens
intimement convaincus des pouvoirs de la magie pouvaient en mourir, comme
nous l’explique Frazer dans son enorme encyclopedie des croyances
populaires. Si vous etes capable d’essayer de tuer quelqu’un par la magie,
pourquoi reculeriez-vous devant des methodes plus classiques pour ce faire ?
Sur une periode de huit siecles, les juifs ont ete convaincus de plus de
cent cas de meurtre rituel et d’offrande de sang. C’est raisonnable, si nous
tenons present a l’esprit le nombre de maniaques religieux. Sans doute toute
autre communaute religieuse de taille comparable aurait produit un nombre
approchant de deviants dans le style d’un Gilles de Rais [marechal de
France, au quinzieme siecle] ou d’un Comorre le Maudit [un chef breton du
sixieme siecle]. Il serait bien etrange que tous ces cas ressortissent eux
aussi a la « diffamation ». Le concept des pouvoirs magiques du sang etait
profondement ancre dans la pensee juive. Le sang etait utilise, nous l’avons
vu, pour des libations et des expiations.
Bien sur, il s’agissait du sang d’un agneau. Mais, dans l’affaire de
Mayence, c’est du sang d’enfant qui a ete utilise, en l’occurrence. Dans le
monde chretien, certaines personnes pratiquaient la magie noire, accompagnee
de sacrifices humains, au cours d’un rituel « chretien » perverti. Ils
remplacaient par du sang humain le vin de la communion, qui est le sang du
Christ, lui-meme sang de l’Agneau Pascal. Peut-on raisonnablement penser que
les juifs n’ont jamais vu naitre chez eux de magiciens ni de sorciers
capables d’utiliser du sang humain afin de laver les peches ou de hater le
Salut ?
III
Par ailleurs, le rapport etabli entre les sacrifices de sang et les matzot
de la Paque ou l’homentash de Purim releve tout simplement de la croyance
populaire : le mysticisme inherent a la notion de libations pouvait etre mal
interprete par des gens simples. Yuval voit dans ces fantasmes une
combinatoire de differentes traditions, de surcroit, mal interpretees.
Les juifs haissaient de tout leur c?ur la chretiente et ils organisaient
plusieurs ceremonies magiques visant le Christ et la chretiente, au moment
de Paques, de Purim et de la Paque (juive). Ils confectionnaient des
figurines qu’ils attachaient a une croix, et ils les brulaient ou ils les
mutilaient de differentes manieres ; ils desacralisaient des hosties et
parodiaient la communion. La coutume consistant a eliminer toute trace de
ferment (levain), observee par les juifs au matin de la Paque, entendait
aussi symboliser l’eradication des goyim, et a y conduire magiquement, ecrit
Yuval.
A l’occasion, les juifs tuaient des pretres et des nonnes. Les prieres de la
Paque regorgeaient d’allusions anti-chretiennes, dont certaines ont survecu
jusqu’a ce jour, notamment le Shepoch Hamatha, une priere appelant la
vengeance de Dieu sur les goyim, et le Aleinu Leshabeyach, qui decrit le
Christ et Sa (sainte) Mere dans les termes les plus blasphematoires qui
soient.
Les chretiens ont associe mentalement ces phenomenes, ecrit Yuval. Si les
juifs haissent le Christ et les chretiens, profanent des hosties et ont ete
vus parfois en train de tuer rituellement leurs propres enfants, les
chretiens devaient penser que, sans doute, les juifs assassinaient itou les
enfants des autres, au moment de Paques ou de la Paque, nous explique-t-il.
Nenmoins, Yuval pense que, meme si les faits motivant cette deduction
etaient exacts, la conclusion, en revanche, ne l’etait pas. Les juifs ne
mettaient pas de sang dans leurs matzots, conclut-il.
Toutefois, la croyance en l’utilisation de sang humain par les juifs pour la
confection de leurs matzots (pain azyme, ndt) peut s’expliquer de maniere
plus satisfaisante si l’on tient compte de l’intensite de la haine
generalisee des juifs envers les chretiens. Dans les rites de la Paque
juive, un petit morceau de pain sans levain – Afikoman – symbolisait l’
Agneau Pascal. Au debut du repas (Seder) de la Paque, on le tenait cache. On
peut imaginer qu’un mystique ait pu donner un sens litteral a la metaphore
de l’Afikoman en tant qu’Agneau Pascal. Cela a ete affirme par de nombreux
juifs qui ont quitte le bercail et qui ont rejoint l’Eglise. Ils ont aussi
temoigne du fait que l’afikoman etait cuit separement et en grand secret.
Certains parmi eux expliquerent que du sang n’etait certes pas ajoute
directement a la pate de ce pain pascal, mais brule, et que les cendres de
ce sang etaient utilisees au cours d’un rituel evoquant la purification de
la Genisse Rousse.
Pour Israel Yuval, qui est un juif observant, tout temoignage d’un converti
est « suspect » et « douteux », mais discrediter les temoignages de tout
non-juif, voila qui releve d’une tradition juive ancestrale. De la meme
maniere, les « Nouveaux Historiens » israeliens n’ont fait que confirmer les
informations auxquelles leurs collegues palestiniens etaient parvenus. Mais
la confirmation, par eux, des horreurs de 1948 eut un impact considerable en
Occident, car les recherches effectuees par des non-juifs etaient
considerees « suspectes » et « douteuses » par un discours occidental soumis
a l’emprise juive. Pour des non-racistes, il n’y a aucune raison de douter
du temoignage donne par un non-juif ou un ex-juif. D’ailleurs, si l’
objection opposee a des convertis devait etre fondee sur le rejet en soi des
renegats, on devrait rejeter les arguments avances par les auteurs du Zero
et l’Infini [Darkness at Noon] (Arthur Koestler) et de La Catalogne libre
[Homage to Catalonia] (George Orwell), ou meme ceux notre David Aaronovitch,
car tous ont renie leur foi communiste pour adopter un autre credo.
Les convertis savaient de quoi ils parlaient, et Yuval le confirme. Ainsi,
un converti de Norwich a explique que « les juifs croient que, sans verser
du sang humain, ils ne peuvent recouvrer leur pays et leur liberte. » C’est
la, pour Yuval, une interpretation correcte de l’idee ashkenaze de Vengeance
en tant que voie vers le Salut. « Les juifs croyaient effectivement que leur
Salut dependait de l’Extermination des Gentils », ecrit-il. Certes, ils
esperaient que Dieu et/ou leur Messie se chargerait de faire le boulot. Mais
cette restriction peut-elle servir d’alibi ?
Si j’espere et prie Dieu que Pierre tue mon ennemi Paul, et que Paul est
effectivement trouve assassine, mes espoirs et mes prieres ne seront-ils pas
la cause de fortes presomptions a mon egard, plutot qu’un alibi en beton ?
« Oh, non, il esperait que Pierre ferait sa fete a Paul… Donc, ce n’est
certainement pas lui qui a fait le coup ? »
Cela me rappelle une replique immortelle chez Raymond Chandler [8]. Marlowe,
son detective prive, decouvre sur le lieu d’un crime un mouchoir orne d’
initiales non denuees de signification. Le suspect – en l’occurrence, la
suspecte – une jeune femme tres distinguee, tres intime avec la victime,
rejette les soupcons de Marlowe avec indignation. Marlowe s’exclame,
ironiquement : « Ce bout de chiffon porte vos initiales. De plus, l’a trouve
sous l’oreiller de la victime… Mais ce torchon empeste le parfum de santal a
bon marche, et vous n’acheteriez pour rien au monde un parfum bas de gamme.
Et il ne vous viendrait jamais a l’idee de mettre vos mouchoirs sous l’
oreiller d’un mecton. Donc, vous n’etes pour rien dans cette histoire ! Vous
ne trouvez pas que c’est un peu tire par les cheveux, comme explication ? »
IV
Le dernier debat autour des sacrifices rituels s’est tenu, il y a un peu
moins d’un siecle. En 1911, a Kiev (aujourd’hui capitale de l’Ukraine, a l’
epoque, il s’agissait d’une ville importante des provinces de l’Empire
russe), Andrew, un ecolier d’une ecole religieuse, age de douze ans, fut
assassine de maniere horrible et inedite. On releva quarante sept blessures
sur son cadavre. Il avait ete vide de son sang, et il avait ete baillonne.
Il semble que ce crime ait revetu un caractere rituel, comme celui de Torso
boy, en Angleterre [jeune Africain victime d’un crime, dont le cadavre a ete
retrouve flottant sur la Tamise, a Londres], de nos jours. Cela pouvait etre
l’?uvre d’un sataniste, d’un fanatique ou de tout autre obsede. Pouvait-il s
’agir d’un juif ? Oui. Le meurtrier aurait-il pu etre pousse par quelque
deformation particuliere de la religion juive ? Nous avons vu que la reponse
est : « oui ».
Toutefois, quatre cents rabbins envoyerent une lettre ouverte aux autorites
et au tribunal, rejetant la possibilite meme d’une telle sceleratesse.
Dans un paroxysme d’hysterie, la Russie se divisa entre ceux qui croyaient
aux meurtres rituels et ceux qui n’y croyaient pas. Les journaux liberaux
retinrent la these philosemite : un juif ne saurait tuer qui que ce soit.
Certainement pas, en tous les cas, de maniere rituelle. Le Tsar, avise, s’
enquit de savoir comment les quatre cents rabbins pouvaient etre tellement
surs de ce qu’ils avancaient. Il souleva un point fondamental.
Il n’y a nul crime que des Russes, des Anglais, des Americains, des Francais
ou des Chinois, ou encore, des chretiens, des musulmans ou des bouddhistes
jugeassent leurs compatriotes ou leurs coreligionnaires incapables de
commettre. Nous savons que les hommes sont tout aussi capables des plus
hautes inspirations que de la plus vile cruaute. Les sacrifices humains ont
existe dans toutes les nations, meme chez les Grecs (Iphigenie) et chez les
Hebreux (Jephte). Toutefois, les juifs, dont la religion comporte l’
obligation religieuse du genocide (Amalek), le devoir religieux de maudire
les Gentils, et qui ont effectivement pratique le meurtre rituel d’enfants
(quand bien meme ce fussent les leurs propres), etaient disposes a se porter
garants de leurs coreligionnaires, co-membres de la tribu d’Israel : des
juifs ne pouvaient avoir fait cela. Ce degre extraordinaire de solidarite
tribale placait les juifs dans une categorie autre. Pour ainsi dire,
hors-concours. Non pas une nation, non pas une religion, mais un syndicat de
protection mutuelle.
« Il s’agit la d’une accusation portee contre l’ensemble du peuple juif »,
avaient ecrit les rabbins. C’etait un mensonge : seul, un homme etait
accuse, et son innocence finit par etre prouvee. Mais l’approche des rabbins
etait utile, tactiquement : des masses de juifs, depuis New York jusqu’a
Moscou, s’etaient mobilises, prets a defendre Beyliss. L’opinion liberale en
Russie, en Europe et en Amerique leur apportait son soutien.
Un seul homme de renom, Vassili Rosanov [9], non-conformiste brillant,
poete, ecrivain et theologien, naguere tombe dans l’oubli mais a nouveau
tres populaire dans la Russie post-sovietique, etait convaincu qu’Andrew
avait ete martyrise par des juifs, quand bien meme il ne s’agit pas de
Beyliss en personne. (L’intelligentsia russe, de ce fait l’ostracisa).
Auparavant philosemite pur sucre (il envisagea meme de se convertir au
judaisme), il fut bouleverse par le sort horrifiant du jeune Andrew et
ulcere par le fait qu’aucun des defenseurs de Beyliss ne se preoccupait le
moins du monde de cet enfant assassine dans des circonstances horribles. Il
ecrivit un memoire tres interessant [10], dans lequel il s’efforce de
demontrer que les juifs ont effectivement pratique des sacrifices humains.
Il s’etait initie a la cabale, avait mis les blessures d’Andrew sous la
forme de schemas dignes de son contemporain Alistair Crawley, et il cite
force passages de l’Ancien Testament, du Talmud et meme du Nouveau
Testament, faisant allusion au sang. Dans ses conclusions, il fait reference
a la coutume juive de sucer du sang du membre circoncis (des bebes) et aux
rituels juifs d’abattage des animaux de boucherie (aujourd’hui interdits
dans certains pays europeens). Son intuition la plus interessante est tout a
fait surprenante, meme pour le chretien dechu qu’il etait : il considere que
le judaisme biblique ancien, precurseur du christianisme, connaissait et
pratiquait les sacrifices humains ; car, sinon, (raisonne-t-il), le Christ
ne se serait pas offert Lui-meme en victime pour le sacrifice supreme.
Rosanov voit dans Isaie, 53 [il fut transperce a cause de nos peches,
etc…] – non pas une prophetie de la Passion du Christ, mais la description d
’un sacrifice humain reel pratique dans le Temple de Jerusalem. Le rite
pratique dans le Temple dedie a Jehovah a Jerusalem, etait effectivement
extremement sanglant et la Mishna evoque des rivieres de sang s’ecoulant
depuis son autel. Cela fut condamne par les prophetes, qui avaient fini par
faire du Temple une survivance anachronique, a l’epoque de sa destruction. C
’est la, probablement, la raison pour laquelle ce temple n’a pas ete
reconstruit. Toutefois, les hypotheses de Rosanov, qu’elles soient ou non
fondees, ne repondent en rien a la question des sacrifices humains au
vingtieme siecle.
Une chose est sure : on peut trouver de nombreuses citations, dans la Bible,
dans le Talmud est dans des ouvrages cabalistiques plus recents, plaidant en
faveur de l’existence des sacrifices humains. Dahl, un Danois auteur, au
dix-neuvieme siecle, d’un court traite de criminologie, fait reference a
Nombres 23:24 « … il boit le sang de ses victimes… » ainsi qu’a plusieurs
autres versets. Nous sommes mieux equipes, pour ce genre de recherche, que
les contemporains de William de Norwich ou d’Andrew de Kiev, car nous
disposons de meilleurs textes de reference. Ainsi, par exemple, en 1913, les
experts n’auraient pas pu trouver la citation suivante, du Talmud [11] : «
Il est bon de transpercer un jeune garcon goy, meme un jour de Kippour, si
le Kippour tombe un jour de shabat. Pourquoi « transpercer », au lieu d’ «
egorger » ? Parce que l’egorgement exige une benediction, alors qu’on peut
transpercer a sa guise sans qu’il soit necessaire de prononcer la moindre
benediction ». Aujourd’hui, nous disposons de ce texte imprime, dans de
nouvelles editions publiees en Israel. Il est convenu de considerer ce genre
de citation comme une preuve de la haine exageree des sages talmudistes
vis-a-vis des gens ordinaires. Mais il pourrait se faire qu’un jour un
mystique ou un praticien de la magie noire, y ait vu des instructions pour
le sacrifice du Yom Kippour, les kapparoth.
Toutefois, cela ne prouve en rien que ces cas etaient nombreux, ni que cette
tradition etait largement repandue. De plus, les chercheurs qui ont etudie
ce phenomene et qui ont ete amenes a en admettre la realite objective, ont
conclu que ces cas etaient rares, et qu’ils demeuraient inconnus de la
grande majorite des juifs.
Rosanov se trompait, tout autant que les rabbins. Rien ne leur permettait a
ceux-ci de denier a priori la possibilite qu’un crime ait pu etre perpetre
par un juif. Ils avaient tort, lorsqu’ils clamaient que « tous les juifs »
etaient ainsi mis en accusation. Rosanov n’avait quant a lui aucun motif a
etre aussi peremptoire qu’eux. Mais Rosanov n’avait nul motif a faire des
sacrifices humains la pierre angulaire du judaisme. Toutefois, confronte au
front uni du philosemitisme, il a laisse sa nature pugilistique prendre le
dessus sur son bon fond. Nous devons rejeter son attitude, injuste et pleine
de prejuges. En realite, l’idee de sacrifice humain et de sang verse en
expiation est bien connue des chretiens comme des juifs ; ainsi, le meurtre
rituel perpetre sur la personne d’Andrew pouvait tout aussi bien avoir ete
le fait de personne(s) de culture juive, comme de personne(s) de culture
non-juive.
Dans le meilleur des cas, le livre de Rosanov pourrait inciter un mystique
juif a s’essayer au meurtre rituel et aux libations vampiroides. Mais les
juifs y virent une attaque contre l’ensemble des juifs. Les defenseurs de
Beyliss tenterent de circonvenir l’un des temoins essentiels au proces, Vera
Cheberiak. On lui offrit un enorme pot de vin par l’intermediaire d’un
avocat qui avoua l’avoir rencontree de sa propre initiative, dans des
circonstances douteuses. Les propres enfants de Vera Cheberiak avaient ete
tues par « des inconnus ». En 1919, apres la victoire des Bolcheviques, elle
fut arretee et maltraitee par les commissaires juifs de la Tcheka de Kiev.
Elle refusa de revenir sur ses declarations, reaffirma qu’elle avait dit la
verite. Mais elle fut executee, apres un « proces » expedie en quarante
minutes [12]. En ce meme an de grace 1919, le ministere sovietique de l’
Education reunit une commission afin d’etablir la verite definitive au sujet
des crimes rituels. Simon Dubnov, un historien juif, a participe a cette
commission, composee de quatre juifs et de quatre chretiens. Dans ses
memoires, il ecrit : « Les membres russes (de la commission) n’ont pas exclu
la possibilite qu’une secte juive secrete ait pu pratiquer des violences
rituelles. Les membres juifs, pour leur part, etaient absolument certains
que c’etait totalement impossible. »
Alexander Etkind, un contemporain, juif, russe, specialiste des religions et
auteur d’un ouvrage faisant autorite sur les sectes en Russie, a ecrit dans
la revue qu’il dirige [13] : « Aujourd’hui, nous pouvons etre plus ouverts.
Je ne considere pas comme impossible qu’il ait pu y avoir, chez les juifs,
une secte cruelle et secrete. J’ai etudie les sectes en Russie, certaines d’
entre elles peuvent a juste titre etre qualifiees de sanguinaires,
vicieuses, meurtrieres. Je n’ai pas connaissance de l’existence d’une / de
secte(s) juive(s) de cette nature, mais je ne saurais en exclure l’existence
a priori. Apparemment, mes sentiments sont plus proches de ceux des membres russes de la commission que de ceux de ses membres juifs. »
Dans la longue histoire des etudes consacrees a l’accusation de crime
rituel, c’est l’observation la plus avisee qui ait jamais ete faite.
Alexander Etkind a raison, tandis que David Aaronovitch a tort. Yitzhak
Ginzburg, un cabbaliste et mystique juif celebre, chef de la Yeshiva Od
Yosef Hai, en Israel, en a apporte la confirmation en declarant, recemment,
a la presse americaine : « Un juif est autorise a extraire l