[Le quotidien norvégien Nationen (Oslo) a publié le 28 novembre 2002 une tribune qui était une diatribe contre moi. Je communique ici ma réponse, qui sera suivie d’une traduction de cette tribune hostile, pour laquelle j’ai eu recours à l’aide de nos camarades Dave Kersting et Michael Neumann. Etant donné que, tÙt ou tard, chacun d’entre nous s’expose à l’accusation d’Ítre “antisémite”, j’ai pensé que ma réponse peut vous Ítre utile, car elle convient dans la majorité des cas. I. S.]
Je n’aime pas les philosémites, ces gens qui choisissent de lutter contre l’antisémitisme, comme s’il n’y avait pas plus urgent à faire. Dans notre monde, tellement accablé de problèmes et de vraies souffrances, il y a quelque chose de profondément pervers chez ces personnes qui préfèrent protéger et soutenir – non pas les pauvres, non pas les réfugiés, non pas les opprimés, mais le groupe fortuné, influent et entretenant des relations multiples avec les puissants, activement engagé dans l’épuration ethnique de la Palestine. Le principal chantre de ce mouvement richement doté est un juif américain, directeur de la Anti-Defamation League, Abe Foxman. Voici deux ans de cela, il a été pris sur le fait en train de recevoir d’énormes sommes de pognon des mains du super-escroc Marc Rich, un forban qui avait volé le contribuable américain avant d’aller se mettre au vert en Suisse. Durant des années, Foxman et son organisation ont constitué des dossiers sur des gens qui s’opposaient à l’apartheid et ils ont vendu ces renseignements au Mossad et à l’Afrique du Sud de Forster. Ils s’introduisaient dans les appartements, volaient des documents, faisaient filer les militants de gauche en Californie. L’année dernière, Foxman et l’Anti-Defamation League ont été condamnés par un tribunal américain pour avoir intimidé et diffamé des parties civiles auxquelles ils ont dû verser des millions de dollars au titre de dommages et intérÍts. Le meilleur copain de Foxman est Ariel Sharon, le massacreur de Sabra, Chatila, Qibiya et Jénine. Un livre récent, de Gordon Thomas et Martin Dillon, ‘L’Assassinat de Robert Maxwell: Le super-espion d’IsraÎl’, confirme que les philosémites patentés entretiennent des liens permanents avec le Mossad, bras armé de l’apartheid israélien, célèbre, chez vous en Norvège, pour son crime perpétré à Lillehammer. Bref, les philosémites sont des gens douteux qui reÁoivent de l’argent d’escrocs afin d’occulter le génocide rampant des Palestiniens.
Cela n’a rien d’étonnant, dès lors que l’emphase mÍme mise sur “l’antisémitisme” relève du racisme caractérisé, comme s’il s’agît d’un racisme pire que tout autre racisme envers un quelconque autre groupe humain. Les gens qui dénoncent “l’antisémitisme”, et non le “racisme” ou les “préjugés ethniques”, sont en train, en réalité, d’affirmer qu’il y aurait quelque chose de très spécial – et de particulièrement condamnable – dans la discrimination de ce groupe humain en particulier. En d’autres termes, ces gens-là sont racistes.
Le Norvégien moyen n’hésitera pas à vous avouer qu’il n’aime pas les Suédois. Parfois, il se reprendra en disant qu’il ne peut littéralement pas les voir en peinture. Les plus ’gés parlent ouvertement de leur haine des Allemands. Les juifs aussi: le best-seller récent écrit par le philosémite Goldhagen qualifie tous les Allemands de “tortionnaires volontaires au service d’Hitler”. “Tout juif doit entretenir en son cœur une sainte haine de l’Allemand”, affirme Elie Wiesel, autre philosémite patenté. En somme, personne ne se formalise de ces déclarations racistes ; Wiesel a mÍme reÁu le prix Nobel de la paix de l’Académie de Norvège.
Les Allemands n’ont pas l’exclusivité. Un écrivain juif, Daniel Pipes, a co-écrit une tribune, avec le Danois Lars Hedegaard, dans le quotidien canadien National Post (le 27 août 2002), dont le propriétaire est le seigneur juif des médias Israel Asper, un grand ami de mon pays, IsraÎl. Dans cette tribune, ils écrivaient:
“Les immigrés majoritairement musulmans représentent 5% de la population, mais ils reÁoivent jusqu’à 40% des allocations sociales. Les musulmans ne représentent que 4% de la population du Danemark, forte de 4,5 millions d’’mes, mais ils représentent la majorité des violeurs prouvés dans ce pays, sujet particulièrement sensible lorsqu’on sait que la quasi totalité des femmes qui en sont les victimes ne sont pas musulmanes”. Je ne pense pas que l’on puisse Ítre plus raciste que cela, mÍme en allant chercher du renfort du cÙté du journal nazi Der Sturmer. Mais peu importe, personne ne semble s’en formaliser.
Le discours raciste sur l’antisémitisme sert à protéger le racisme israélien. Il est désarmant de constater que certaines personnes continuent à y prÍter attention, et que leurs larmes de crocodile s’écoulent à longueur de colonnes dans les journaux. Je me demande pourquoi le Troisième Reich n’a pas tenté de stopper les forces alliées en affirmant qu’elles étaient motivées par un “préjugé anti-allemand”. On imagine des soldats russes entendant ce genre d’émission radiodiffusée à Stalingrad et laisser tomber le fusil, de honte. Ou bien alors, se peut-il que le seul préjugé bl’mable soit le préjugé anti-juif? Apparemment, c’est le cas, en ce qui concerne les philosémites: le quotidien britannique The Guardian a écrit au sujet d’un dirigeant raciste néerlandais qui, bien qu’il abhorr’t les musulmans et les arabes, n’était pas un mauvais garÁon, dans la mesure o˜ il aimait les juifs. Peut-on Ítre plus raciste que Áa?
L’article de ChristineMohn (qui m’attaque) est bien dans la lignée. Elle me dépeint comme “un juif ethnique qui se définit lui-mÍme comme chrétien”. A l’instar d’Adolf Hitler, elle pense que “qui a été juif l’est définitivement”, qu’il soit baptisé ou peu importe peu, car il peut, tout au plus, dans ce cas, que “se présenter” comme chrétien. Cependant, les non-racistes sont d’un autre avis. Un philosémite est un juif en puissance, puisqu’il considère que les juifs sont plus égaux que d’autres. Un juif de naissance peut abandonner la juiverie s’il croit en l’égalité des Hommes comme le firent Saint Paul, Marx et Trotsky. Sur ce point, les avis de l’Eglise et du parti communiste coÔncident.
Et c’était, en effet, la vision d’Abram Leon, un jeune partisan de Trotsky, qui périt à Auschwitz en 1944. Dans son livre capital, ‘La Question juive: une interprétation marxiste’ (je suis reconnaissant à Noam Chomsky de m’avoir fait découvrir cet auteur), ce communiste d’origine juive décrit les juifs comme un “peuple-classe”, historiquement voué à l’exploitation des autres. Un homme d’origine juive a toujours la possibilité de laisser tomber “les juifs” et de rejoindre la commune humanité, a écrit ce Leon.
Mais Mme Mohn ignore absolument tout du judaÔsme. Elle écrit: “Le phénomène de l’élection, tel qu’on le connaît dans la tradition juive, n’a rien à voir avec la proximité avec Dieu ou la supériorité par rapport aux non-juifs”. Nous pouvons la croire, mais nous pouvons croire aussi un grand rabbin d’IsraÎl aujourd’hui décédé, le plus grand défenseur du judaÔsme contemporain, le rabbin Kook, qui a écrit: “La différence entre une ’me juive et une ’me non-juive est plus importante et profonde que celle qui existe entre une ’me humaine et l’’me d’une vache” [1].
Les philosémites attendent de nous que nous “parlions en bien” de la judaÔté et, sinon, “que nous nous taisions”. Mais c’est là la prérogative des seuls morts. Dans le discours contemporain, nous évoquons librement les insuffisances de l’islam et du christianisme, du capitalisme et du communisme, et en fait, on devrait pouvoir débattre tout aussi bien du judaÔsme. Ce ne serait en rien tenir un discours raciste: les premiers détracteurs de la judaÔté sont des gens d’origine juive, depuis Karl Marx jusqu’à Israel Shahak. Il ne s’agit pas plus d’un discours de droite: la Première Internationale, celle de Marx, a condamné, après un débat long et animé, tout autant les philosémites que les antisémites.
Les racistes sont souvent insupportables et stupides. Et il est de fait que Christine Mohn a réussi brillamment à concocter un article plein de fiel, qui prouve son incapacité à lire et à comprendre mon article. Ainsi, elle écrit: “La chose la plus importante dans le programme politique de Shamir consiste à affirmer que les juifs peuvent Ítre définis le plus exactement en tant qu’assassins du Christ”, alors que c’est exactement le contraire que j’ai écrit: “Il ne saurait y avoir de culpabilité collective survivant au passage de nombreuses générations. Les juifs ne doivent pas plus Ítre condamnés pour avoir mis à mort Jésus Christ que les FranÁais ne doivent l’Ítre pour avoir envoyé Jeanne d’Arc au bûcher.” [2] Ses autres allégations sont tout aussi erronées.
Pour conclure, j’aimerais citer un penseur socialiste américain, Dave Kersting: “Nous devrions nous sentir offensés par cette focalisation dramatique sur l’antisémitisme – en des temps o˜ des horreurs OUVERTEMENT racistes sont commises contre la population non-juive de Palestine, qui est en train de souffrir de la suprématie ethnique NON DISSIMULEE des sionistes. La préoccupation exagérée pour “l’antisémitisme” est une arme clé utilisée par la violence ethnique REELLE, à notre époque, dans notre monde.”
IsraÎl Shamir
Jaffa
http://www.israelshamir.net
info@israelshamir.net
Ci-dessous, l’article de Mme Christine Mohn:
La notion d’antisémitisme ne serait pas recevable, selon les détracteurs d’IsraÎl
[“Antisémitisme: la place centrale qu’occupe IsraÎl Shamir dans certains cercles intellectuels norvégiens illustre le fait que les organes de presse nationaux en Norvège sont enclins à diffuser des idées antisémites sous couvert de positionnement critique vis-à-vis d’IsraÎl”, écrit l’auteur de cet article. Dans le monde entier, Shamir a été rejeté en tant que trublion douteux, mais pour une raison inconnue, il fait l’objet d’une sorte de culte parmi les militants de la gauche radicale norvégienne.]
Au cours des derniers mois écoulés, les journaux Klassekampen, Friheten, Dagbladet et Morgenbladet ont publié assez fréquemment des déclarations et des commentaires de l’écrivain israélien IsraÎl Shamir, à l’occasion de conférences débats au sujet du conflit israélo-palestinien. A l’occasion, ils allèrent mÍme jusqu’à publier une tribune libre d’IsraÎl Shamir.
IsraÎl Shamir est quelqu’un de peu recommandable, car paradoxalement il est juif d’origine tout en étant antisémite. Il est né et a grandi en Union soviétique, et il se définit lui-mÍme comme chrétien. Il a été lié au parti communiste israélien Mapam, mais cela ne l’empÍche nullement de flirter avec des formations d’extrÍme droite.
L’élément central du programme politique de Shamir consiste à dire que les juifs sont le plus exactement définis en tant que déicides, que les juifs israéliens organisent des pogromes contre leurs concitoyens chrétiens, que les juifs aisés ont généralement acquis leur fortune par des moyens malhonnÍtes et que les juifs sont par nature des individus “sans racines” qui, au sens propre du terme, ne peuvent s’intégrer nulle part. Un autre cliché antisémite qu’il adore mettre en avant est la volonté des juifs de dominer le monde économiquement et militairement, et qu’à l’instar d’un “virus”, ils contaminent les sociétés non-juives dans le but de les détruire. Ces attitudes sont exprimées dans une langue agressive, grossière, sexiste, et elles sont généralement placées dans un discours autour du sort des Palestiniens qui font l’objet d’une attention de tous les instants, chez Shamir.
En guise de références à ses opinions sur les juifs et le judaÔsme, Shamir cite, entre autres, Karl Marx, Isaac Deutscher, Knut Hamsun, T.S. Eliot et le rabbin ultra-orthodoxe Kook. En d’autres termes, il fonde sa haine sur une littérature écrite par des gens qui avaient eux-mÍmes quelque part une conception quelque peu incongrue des juifs. En particulier, Shamir s’intéresse à la description des juifs en tant que peuple élu. Pour les juifs, cela implique que les juifs doivent respecter les prescriptions du judaÔsme réglant la vie quotidienne, essentiellement en matière de nourriture et de fÍtes religieuses, les non-juifs devant observer leurs propres traditions. Le phénomène de l’élection, tel qu’il est explicité dans la tradition juive, n’a rien avoir avec une proximité avec Dieu ni avec je ne sais quelle supériorité des juifs sur les non-juifs, contrairement à la perception que les chrétiens ont généralement de cette notion.
Shamir écrit pour certaines publications russes, dont l’hebdomadaire Zavtra, le plus antisémite sur le marché actuellement en Russie. Zavtra propage le message rouge-brun du parti néostalinien russe, le Parti Communiste de la Fédération de Russie, qui surenchérit sur la haine notoire du stalinisme pour les minorités nationales. L’éditeur de Zavtra, Alexander Prokhanov, a invité en mars 2000 l’ex-dirigeant du Ku Klux Klan David Duke à Moscou afin de le consulter sur les méthodes les plus appropriées pour nettoyer la Russie ethniquement.
De plus, au cours de la dernière campagne pour les élections présidentielles franÁaises, Shamir a exprimé le souhait que le Front National l’emporte, en raison de commentaires faits par Jean-Marie Le Pen, à savoir en substance que “les Juifs dominent la France”.
En dehors de l’écriture, Shamir a un hobby: il collectionne les documents nazis datant de la Seconde guerre mondiale, qu’il s’efforce de transmettre aux activistes de l’extrÍme droite. L’un des plus connus parmi ceux-ci, l’historien anglais David Irving, toutefois, juge Shamir “pas sérieux”, et il a toujours refusé d’entrer en contact avec lui.
De nos jours, l’antisémitisme est particulièrement répandu dans le monde arabe, o˜ Mein Kampf et les Protocoles des Sages de Sion sont en vente libre. En ce moment, la télévision égyptienne diffuse une série télévisée basée sur les Protocoles des Sages de Sion et visant à “démasquer” les menées des Israéliens. Les journaux arabes sont pleins d’affirmations qui auraient pu Ítre publiées par Der Sturmer (journal nazi, ndt). Les films ou les livres présentant les juifs sous un jour avantageux sont généralement interdits. L’Holocauste est très souvent dénié, mais la réalité en est parfois, aussi, affirmée: dans ce cas, on y voit un événement positif. IsraÎl Shamir, toutefois, rejette ces informations comme relevant de la “propagande sioniste”. Lorsqu’une conférence révisionniste prévue à Beyrouth, l’année dernière, a été interdite par le Liban en raison des craintes de ce pays de s’exposer aux critiques internationales, Shamir exprima le regret que “ces excellents chercheurs” n’aient pas perÁu correctement le message. Il nie l’existence des organisations islamistes terroristes, et il affirme que l’attentat suicide palestinien contre la discothèque “Dolphinarium” de Tel Aviv, perpétré en juin 2001, causant la mort de vingt deux Israéliens fauchés dans la fleur de l’’ge, était l’œuvre de la mafia russe.
En raison de ces prises de position, plusieurs anciens camarades de Shamir, d’extrÍme gauche et des mouvances islamistes, ont pris leurs distances avec lui. Parmi eux, Nigel Parry, Tim Hall, Stanley Haller et Hussein Ibish – le dernier nommé étant le dirigeant de l’association CAIR fédérant des associations musulmanes américaines – lesquels affirment que la haine anti-juive de Shamir fait de lui un piètre héraut de la cause palestinienne.
De par le monde, IsraÎl Shamir est rejeté en tant que trublion bruyant et douteux, mais pour une raison qui nous échappe il a acquis un statut de quasi culte parmi l’extrÍme gauche norvégienne. Il n’est sans doute nullement étonnant que Friheten et Klassekampen l’aient adopté – en effet, il prÙne exactement vis-à-vis des juifs et d’IsraÎl l’attitude qui était celle des communistes d’Europe de l’Est naguère – mais il est alarmant de constater que les colonnes d’organes politiquement modérés tels le Dagbladet et le Morgenbladet lui sont ouvertes. La place centrale qu’IsraÎl Shamir occupe dans certains cercles intellectuels illustre deux choses: a) le fait que l’antisémitisme ne caractérise pas uniquement l’extrÍme droite et b) que les organes de la presse nationale norvégienne sont enclins à diffuser des prises de position antisémites sous couvert de critique d’IsraÎl. Il est absolument indubitable qu’une critique objective et légitime de la politique de l’Etat d’IsraÎl ne saurait en rien Ítre définie comme de l’antisémitisme. Toutefois, les affirmations de Shamir ne sont ni objectives ni légitimes, et se servir de lui comme d’un grand témoin de la véridicité dans le débat autour du Moyen-Orient revient à inviter David Irving à la tribune d’un débat sur l’Holocauste.
Il est effrayant de constater que certains journalistes ne cherchent nullement à dissimuler leur haine des juifs puisqu’ils la perpétuent de leurs propres mains, et ces exemples ne font que renforcer l’impression qu’ont les juifs norvégiens qu’ils ne peuvent attendre des médias de notre pays un traitement équilibré et objectif de l’information relative à IsraÎl et au Moyen-Orient.